Déambulations. Enfiler des rues connues par cœur et les découvrir comme étrangères. Façades irréalistes, comme un stuc en train de se détacher par plaques entières. Marcher, encore. Marcher, encore. Et puis encore marcher, sans trop savoir pourquoi ni vers où ni comment. À peine se rappeler l’origine de cette fuite en avant.
Ellipse. Le volant entre les mains. Avaler les kilomètres, les paysages ; creuser l’écart. Avec quoi ? Laisser derrière un cœur gourd, des sensations émoussées, une existence fadasse ? Ou bien quitter une vie étroite, poisseuse, pesante ? Sans vouloir la quitter pour de bon, ne pas trancher vraiment. S’en distancer, seulement. En inventer une autre ? Pas encore. Rouler entre deux, comme si le ronron du moteur pouvait anesthésier les adultes comme il endort à coup sûr les nourrissons. Comme si le vent frais par la fenêtre, par contraste, prouvait la vie et la chaleur qui coulent dans les bras, piqûre de rappel de luges enfantines et de joues rougies. Surtout ne pas penser.
Ne pas réfléchir. Pas de demi-tour. Tout droit rouler. S’arrêter quelques heures pour dormir, et le lendemain recommencer. Ne pas évoquer les visages inquiets de ceux qu’on laisse là-bas. Tirer sur les fils jusqu’à lentement s’en détacher. À 90 sur la départementale, les liens céderont d’eux-même.
Une fois la toile déchirée, la pression retombée, les attaches envolées, à court de carburant, la tempête apaisée, peut être de nouvelles envies se dessineront, qui mèneront vers de nouveaux horizons. Ou vers les mêmes, qui sait, après ce grand nettoyage de printemps.