Rouge. La honte ressentie est encore rouge. Non pas rouge sang comme celui qu’elle a versé. Ni rouge tomate comme les fruits détestés qu’on la force à ramasser. Rouge. Rouge comme le fer qui a marqué sa peau, attestant de sa condition. Condition de femme, condition d’outil de travail pour un maître toujours plus exigeant.
Noire. Noire sa colère qui la soutient et l’emporte loin d’ici. Noire comme le chaudron que jour après jour elle emplit pour nourrir les habitants du domaine. Noire comme le chaudron toujours vide de sa propre famille. Noire comme la couleur du ciel quand elle se lève, et quand elle se couche après son travail.
Marron. Marron le mépris qu’elle a pour eux, marron le mépris qu’elle a pour elle. Marron sa vie traînée dans la boue, qui l’empêche de respecter qui que ce soit, surtout pas sa propre personne.
Après les évènements de cette nuit, elle ne sera plus jamais la même. Elle sera libre, traquée, seule et meurtrie. Morte sa famille retenue en otage contre son travail quotidien. Plus d’attache au domaine. Mort le contremaître qui une fois de trop l’a emmenée dans son lit pour la nuit plutôt que de la laisser rejoindre son compagnon et son enfant. Enfuie l’esclave rebelle qui a causé sa propre perte et celle des siens. La vie l’attend désormais, à moins que ce ne soit la mort.