Une voix. Une voix familière mais déformée. Une voix duelle où les graves sautillants et les aigus chantants s’entremêlent et se répondent. Une voix qui emplit l’univers, venant de toutes les directions. Dans ce nouvel univers sans dessus dessous où “je” n’existe pas encore, une voix se faufile à la conscience et rappelle vaguement une précédente vie.
Les odeurs sont fortes et les poumons, encore étrangers, font glisser mille odeurs nouvelles dans ce nez jusqu’ici inutile. Tétées sans fin pour goûter ce nouveau monde mais le fluide alentours n’emplit pas la bouche. L’air, si froid, a tellement peu de goût ! Les contacts sont intimes, abrupts, presque douloureux. Et cette lumière ! Magnifique et blessante à la fois, cette lumière qui tombe dans les yeux grands ouverts et vrille le cerveau. Évanouis la fluidité, l’amorti, la chaleur constante, la lumière tamisée, l’atmosphère feutrée et les parois élastiques. Bienvenue dans cet univers anguleux et vif, rapide, bruyant, un brin effrayant. Curieux. Des cris stridents percent les oreilles quand les poumons douloureux s’emplissent et se vident convulsivement.
La mélopée rythmée de la voix persévère et s’accroche à la conscience, elle ancre l’attention, elle fascine et apaise. Entourée d’une chaleur douce et ferme, le vieux boum-boum coutumier enfin retrouvé et ressenti jusque dans les os, la bouche s’ouvre sur d’immenses bâillements. Les yeux se ferment pour ne pas interférer avec cette voix mélodieuse, cette voix présente depuis la nuit des temps et pour l’éternité.