Elle a douze ans, peut être moins. Mardi dernier, ses parents l’ont amenée choisir un lapin nain, probablement pour son anniversaire, parce qu’elle a été sage ou parce qu’elle a de bonnes notes à l’école. C’est mignon un lapin nain, et ça ne demande pas trop d’efforts d’entretien, juste ce qu’une petite de son âge peut fournir.
Je la rencontre dans la salle d’attente, chez le vétérinaire. Elle a alerté hier ses parents sur le fait que son lapin ne bouge pas vraiment, qu’il est très calme, encore plus que depuis mardi. Le vétérinaire l’a fait sortir de son cabinet pendant la consultation, elle me glisse que son lapin est vraiment gentil. Elle est certaine que le véto va le guérir son petit bout, même si elle est un peu anxieuse. Et si c’était à cause d’elle qu’il allait mal?
L’assistante sort doucement, elle garde son sourire professionnel. Elle s’approche de la petite, lui explique que son lapin va vraiment mal, mais que ce n’est pas du tout de sa faute, vu son état, il était déjà malade quand elle l’a acheté. Rajoute qu’avec son papa, ils retourneront très bientôt à l’animalerie pour se plaindre et échanger le rongeur. Puis elle repart pour assister son employeur, sans même se rendre compte de la grossièreté qu’elle a balancée à cette gamine qui vient d’avoir son premier animal à elle toute seule.
La petite vient de comprendre ce qu’on lui dit, ses larmes coulent instantanément, sans bruit. Elle s’essuie dans son écharpe, essaie de ne pas croiser mon regard avec ses yeux rouges. Je lui propose un mouchoir, elle refuse. Tente de garder une contenance. De ne pas montrer qu’en moins d’une semaine, elle s’y était complètement attachée à cette bête, comme seuls peuvent s’attacher les enfants solitaires aux muets témoins de leurs malheurs incompris. Mais déjà, son père ramène une boîte en carton qui ne s’agite pas. Ravalons nos larmes, il est temps de passer à autre chose.