Histoire écrite pour Matthias, qui a choisi les personnages et l’allumette !
Joe est un énorme chat noir, plein de puces, une oreille déchirée et qui pue de la gueule. C’est un super glouton, qui peut manger 18 fois dans la journée et avoir encore un peu de place pour le dessert. C’est aussi un chat extrêmement câlin, mais comme il est vraiment très moche et qu’il pue vraiment beaucoup, personne ne veut l’approcher, encore moins être son ami. Alors, se serrer contre lui, n’y pensons pas. Plutôt manger des asticots que de câliner Joe !
Joe, après avoir erré de ville en village, de taverne en maison, quitte la route et s’enfonce dans la forêt, en quête de nourriture et de compagnons. Un jour, il a entendu parler des lutins câlins, qui ne sortent qu’au mois de novembre pour câliner les voyageurs solitaires avant les grands froids de l’hiver. Joe va alors traîner ses pattes près du rosier sauvage sous lequel, dit-on, se trouvent les fameux lutins. Il fait trois fois le tour du buisson épineux sans rencontrer de lutin câlin. Quand il se faufile au cœur du rosier, il entend un énorme soupir, comme si quelqu’un avait retenu son souffle pendant longtemps. Intrigué, il s’oriente vers le bruit et trouve un petit lutin qui s’enfuit. Joe le rattrape et pose une patte griffue dessus. Le lutin fait un effort pour ne pas respirer, mais, quand c’est trop dur, il soupire encore et dit à Joe « Je t’en supplie, libère moi ! Tu pues beaucoup trop pour moi, je ne peux pas le supporter ! ».
Joe lui répond « Je veux seulement un câlin, comme les autres voyageurs solitaires… Si tu ne peux pas me câliner toi-même, dis-moi juste qui pourrait m’aider ! »
Malheureusement, le lutin, qui a pris une grande gorgée d’air au moment où Joe ouvrait la bouche pour parler, tombe évanoui tout d’un coup. Comme Joe a une petite faim, il engloutit le lutin d’une seule bouchée et poursuit sa route, complètement dépité.
Il trottine à travers bois et arrive dans une clairière, avec un ruisseau et une vieille bicoque à côté. Joe s’approche de la bicoque, se disant « qui dit maison dit nourriture à foison ! Avec un peu de chance, je tomberai sur une sorcière qui a besoin d’un chat tout noir pour soigner son image de marque. »
À peine pose-t-il la patte dans l’entrée qu’une femme surgit, couverte de verrues, armée d’un balai et coiffée d’un chapeau pointu. Elle court vers Joe en se bouchant le nez d’une main, en remuant son balai de l’autre. « Foi de Gertrude, c’est une abomination ! Pouah, tu empestes, petit démon ! Si tu restes dans ma maison, tu vas goûter de mes potions, je vais refaire toute ton éducation, te transformer en hérisson ! ». Joe freine des quatre pattes, il enclenche la marche arrière et file sans demander son reste.
Courant dans les bois, Joe se dit que la vie est vraiment trop injuste. Même la sorcière ne veut pas de lui ! Qu’elle était laide pourtant, la Gertrude, avec ses verrues sur tout le visage ! Et pour être honnête, elle ne sentait pas vraiment la rose non plus ! Alors qu’il se remet de ses frayeurs et de sa course, il sent le découragement l’envahir. Les larmes roulent de ses yeux, il cherche un abri sous un arbre et se roule en boule pour essayer de dormir.
Il est réveillé par un minuscule p’tit bonhomme qui lui marche sur la queue, en faisant un grand « ah ah ah… Atchoum ! ». Joe ouvre un œil mécontent et va pour dévorer ce p’tit bonhomme qui lui écrase la queue et lui éternue sur le postérieur. Il ouvre grand la gueule et attend le bon moment pour ce petit déjeuner servi sur un plateau. Le p’tit bonhomme s’excuse aussitôt, d’un « désolé, désolé, je suis enrhumé, je ferme toujours les yeux quand j’éternue et je ne vous avais pas vu avant de buter sur votre queue. En même temps, vous dormez devant l’entrée de ma maisonnette, Monsieur le Grand Chat Noir ».
Joe, qui s’attendait à voir le p’tit bonhomme se moquer, se boucher le nez, se carapater, est assez surpris pour refermer la gueule sans avaler le p’tit bonhomme. Il lui répond : « Drôle de p’tit bonhomme, je ne te mangerai pas si tu réponds convenablement à mes questions. Qui es-tu ? As-tu peur de moi ? Tu ne sens pas une odeur bizarre dans le coin ? ».
Le p’tit bonhomme semble tout juste réaliser que Joe était à deux doigts de le manger. Il hausse les épaules et répond : « Je m’appelle Pipistrelle, et je suis un Farfadet. J’étais parti chercher une allumette pour faire un feu chez moi : avec les pluies de l’automne, il y a des inondations et j’ai attrapé un gros rhume. Je voulais me réchauffer et sécher ma maison, mais je n’en ai pas trouvé et pouf ! je suis tombé sur vous. Les farfadets n’ont peur de personne, Monsieur le Grand Chat Noir… » « Joe, tu peux m’appeler Joe ». « D’accord, Monsieur Joe ! Les farfadets n’ont peur de personne Monsieur Joe ! Les farfadets passent leur temps à faire des blagues, à chiper dans les bourses des passants, à égarer les voyageurs, à terroriser les grands costauds avec leurs tours de passe-passe. Alors non, Monsieur Joe, je n’ai pas peur de vous ! C’est à vous de trembler ! Et je ne sens rien du tout du tout. Les farfadets ont l’oreille très pointue mais le nez toujours bouché, avec ou sans rhume… »
À ces mots, Joe bondit sur ses pattes et saute de joie ! De sa queue, il attrape Pipistrelle le Farfadet et le fait sauter en l’air. Celui-ci n’apprécie pas le traitement et d’une pirouette, saute sur le cou de Joe et lui tire les oreilles ! Joe se calme aussitôt et, penaud, explique son histoire à Pipistrelle. Pipistrelle réfléchit et lui propose un marché : « Monsieur Joe, si tu me trouves une allumette pour ma maison , je veux bien être ton ami. Normalement, les farfadets n’ont pas d’amis, mais comme je suis curieux, je veux bien essayer pour voir. ».
Joe sait où trouver des allumettes, alors il propose à Pipistrelle de l’emmener. Celui-ci accepte et se cale sur le dos de Joe. Arrivé près de la cabane de Gertrude, il prend garde au sens du vent pour que son odeur ne parvienne pas aux narines de la sorcière. Il laisse Pipistrelle descendre et l’attend, prêt à repartir dès qu’il aura son butin. En moins de temps qu’il n’en faut pour faire « ouf ! », le farfadet sort en courant, chassé par une Gertrude qui vocifère « sale morveux, j’vais t’apprendre, moi, à voler mon feu ! Si je te recroise dans ma maison, tu vas goûter de mes potions, je vais refaire toute ton éducation, te transformer en paillasson ! ». Pipistrelle s’accroche aux poils de Joe et celui-ci file ventre à terre jusqu’à la maisonnette du farfadet. Il aide son nouvel ami à allumer son feu, il lui fait de la soupe et des grogs pour le soigner. Et, quand Pipistrelle est complètement guéri, ils échangent leur premier câlin. Et c’est doux ! Et c’est chaud ! Et c’est moelleux un câlin donné par un ami !
Pipistrelle et Joe deviennent inséparables. Joe apprend des farces et des tours pour faire rire Pipistrelle aux dépends des voyageurs. Pipistrelle invente de nouvelles recettes pour son ami si gourmand. Et, à chaque changement de saison, ils se faufilent jusqu’à la clairière pour aller narguer Gertrude, qui hurle à chaque fois de nouvelles menaces mais n’a pas réussi à les attraper. Pas encore…