À tâtons, les yeux fermés pour commencer, dessiner tes contours. Repasser encore et encore les traits les plus saillants. Gommer, décaler des lignes au fil du temps, au fil des mots. Tracer sans cesse, les arabesques et les aspérités, reporter méticuleusement chaque détail à sa place supposée pour dresser ton portrait. Portrait en perpétuel ajustement, simples points à relier, puis croquis évanescent, caricature parfois, enfin viennent les couleurs, aquarelle ou pastel, et voilà le portrait qui s’étoffe, s’affine et gagne peu à peu en consistance.
Ouvrir les yeux et tenter de te faire coïncider à ton image. Le faire assez tôt pour modifier l’image plutôt que toi. Ne surtout pas te gommer, te lisser, mais bien compléter ce portrait, quitte à y ajouter quelques tâches, quelques ratures, de la texture, du relief.
Et quand finalement tu disparais, garder l’image, l’observer sous tous les angles, la comparer avec les portraits que d’autres ont de toi, scruter ton environnement en quête de détails jusque-là inédits. Compléter mon dessin, inlassablement, l’animer du mieux que je peux, puisque c’est tout ce qu’il me reste de toi.
Plonger en moi et, contre toute attente, y découvrir l’esquisse de moi que tu avais tracée. Rayonnante, pétillante, sublimée par ton regard. Un peu plus tout que moi : plus belle, plus intelligente, plus forte, plus patiente, plus sereine… Je la remets très délicatement à sa place, en moi, et la conserve précieusement, pour ne surtout pas l’altérer. Pour ne pas te perdre à tout jamais. Pour ne pas me perdre à tout jamais.