Au bout de quatre ans d’absence, dont deux de silence total, il se tenait dans l’encadrement de la porte.
– Oh mon Léon, c’est toi ?
– Clémentine…
Sa voix était cassée, ses yeux brillaient, une larme roulait sur ses joues creusées par la faim. Clémentine s’approcha de lui, il appuya une main sur son épaule, elle le serra dans ses bras. Il n’était plus très épais.
– Les enfants sont à l’épicerie.
– Tu es belle.
– Il reste du ragoût si tu veux manger un peu avant que les petits ne rentrent.
– Merci…
Il était un peu gauche dans cette maison qui avait continué à vivre sans lui. Il regardait autour de lui, il dévorait Clémentine des yeux, cherchant à savoir s’il était réellement le bienvenu chez eux, ou si le sourire de sa femme n’était que de façade.
– Tu as gardé l’horloge…
Clémentine jeta un œil vers l’horloge du salon, que Léon avait fabriquée avant de partir à la guerre. Elle pouffa.
– Évidemment, grand bêta. C’est notre horloge. Où veux-tu que je la mette ? C’est notre temps, à tous les deux, à tous les quatre. Il faudra que tu la règles, j’ai bien peur qu’elle retarde un peu. Bon alors, tu le manges ce ragoût ?
Il mangea son ragoût, trop rapidement, trop bruyamment. Il avait honte, mais Clémentine ne se formalisait pas de ses manières. Quand il eut terminé, elle débarrassa son assiette, lui prit la main, l’entraîna vers l’étage et referma la porte de leur chambre.
– Il nous reste un peu de temps, avant que les enfants ne rentrent de l’épicerie. Et un peu plus, si on les laisse ranger les courses…