Texte écrit dans le cadre d’un atelier d’écriture à L’Escalier
J’étais couché, les mains croisées sur le cœur, étrangement heureux d’être. Le tic-tac de l’horloge répondait au plic-ploc des gouttes d’eau sur la toiture d’ardoises au dessus de la chambre. Je me sentais en paix pour la première fois depuis longtemps, tel un naufragé ayant trouvé une île après des jours d’errance. Qu’importe si dehors la pluie menaçait d’être diluvienne. En moi la paix prenait ses quartiers. Au terme d’une longue convalescence où mon corps et mon esprit s’étaient livré bataille avant de se réconcilier in extremis, au point d’équilibre entre la mort et la folie.
Allongé sur mon lit, les mais sur le cœur et les yeux clos, je pouvais sentir entre mes doigts le fantôme de mon doudou disparu, celui qui m’accompagnait partout enfant. Celui qui m’a donné la force de grandir et dont le souvenir m’a donné la force de guérir.
Alors, j’ai ouvert les yeux, me suis relevé, et j’ai vu sur mon lit les chaînes qui avaient servi à m’immobiliser, désormais inutiles.
Personne dans la pièce à part moi.
Les bruits de l’horloge et de l’eau comme seuls compagnons. Les souvenirs confus de mains fraiches sur mon front, contrastant avec la fournaise qui me consumait tout entier.
J’ai ouvert la porte, descendu les escaliers vermoulus, puis me suis assis sur le fauteuil du vestibule, faible comme jamais.
Ma cousine m’a trouvé là, une minute ou une heure plus tard, comme un oiseau dormant sur son fil. Comme elle l’avait fait ces derniers mois, elle a pris soin de moi, m’a nourri, m’a enveloppé d’une couverture avant de m’allonger dans le lit du rez de chaussée, celui sculpté par mon grand-oncle qui était menuisier.
Je n’ai pas eu la force de lutter, en échange, elle ne dirait rien de mon escapade à mon médecin. ce serait notre petit secret. Pas le premier entre nous, loin de là. Les pierres du foyer derrière la grange de mon paternel s’en souviennent encore. Toutes nos confidences adolescentes au coin d’un feu de camp.
Quand je me suis réveillé à nouveau, ma cousine avait disparu. J’ai fait l’état des lieux de mon esprit, de mon corps, de la tête aux pieds. Encore la sérénité, le même bonheur qu’auparavant. Que je n’aie pas une entière liberté de mouvements dans ma propre maison ne m’émeuvait pas tant que ça. je sus resté allongé, j’ai remis les mains sur mon cœur et j’ai refermé les yeux. Puis, paisiblement, je suis parti à la dérive sur mon océan.