Je les ai toujours connus vieux, les vieux qui squattent le banc du parvis de l’église. Ça ne change pas beaucoup, un vieux, une fois qu’il est vieux. Il se ratatine un peu, il se parchemine aussi, mais si on n’y prend garde, on ne le remarque même pas. Ils sont cinq à s’asseoir toujours sur ce banc, deux heures le matin avant le marché, et deux heures en soirée, après le bistrot. Avec mes amis, des fois, on prend des paris. Lequel sortira le premier de l’église allongé devant les yeux mouillés de ses compagnons? Mais ils n’ont pas l’air très pressés de nous départager, ces vieux.
Ils assistent, stoïques spectateurs, à la vie du village depuis leur banc devant l’église. Ils voient d’un oeil flegmatique les mariages, les baptêmes. La larme à l’oeil ou le sourire aux lèvres, ils poussent un soupir de soulagement à chaque enterrement. Ils emmagasinent cette vie qui se déploie sur la place, mémoires survivantes d’un village en perpétuelle agitation, après avoir en leur temps participé de tout leur possible à ce mouvement constant.