Pensive, je lève la tête et regarde le plafond, gris et terne, de l’entreprise. A chaque fois que j’ai besoin d’inspiration, je contemple les mêmes carrés un peu salis, les mêmes joints blancs qui ont gardé leur couleur à côté des dalles captant toute la crasse émise par les trente employés. Et en tant que designer, je dois dire que j’ai souvent l’occasion de lever les yeux au plafond pour voir si un carré blanc pourrait me lancer une idée géniale.
Et un jour, effectivement, l’idée m’est venue. Tombée comme ça d’en haut, je me suis dit que certaines entreprises gagneraient à équiper leurs plafonds de choses vraiment inspirantes. Et j’ai décidé de vendre du ciel. Un bout de ciel bleu, orageux, nuageux au dessus de chaque employé et les gens se demanderaient pourquoi ils regardent en l’air avant de trouver leurs réponses dans des formes préconçues, affichant grosso modo, le message “retourne travailler”. Un nuage en forme de clavier, la foudre s’abattant sur une forme incertaine, un soleil écrasant qui serait à deux doigts de brûler la rétine, l’infini prêt à nous engloutir. Un œil immense au-dessus de l’entreprise, où chacun pourrait se demander quel dessin abrite la caméra, le mouchard qui le mènera au licenciement.
Pour les créatifs, bien sûr, hors de question d’utiliser cette stratégie, cela serait un désastre que d’obliger de tels artistes à travailler, et complètement anti-productif. C’est pourquoi j’ai commencé a designé ma propre dalle, toute en formes abstraites pouvant me dire mille choses selon mes questionnements, l’heure de la journée ou la drogue ingurgitée. Depuis, je passe pas mal de temps à regarder le plafond, et l’imagination ne me manque plus pour torturer mes prochains.