En amour, je suis fidèle. En amitié, je suis loyale. Au travail, je suis acharnée, à défaut d’être constante. Mais dès qu’il s’agit de danser, je ne puis qu’être volage, je ne connais aucune attache. Je passe de bras en bras, à la recherche de celui qui correspond le mieux à mon humeur, à mon rythme, à mes envies. Je me pose pour quelques danses lorsque je trouve une perle rare, puis je me sauve sans préavis dès qu’il montre un signe de fatigue, de lassitude ou une trop grande proximité. Toujours à l’affût de nouveaux talents, je me laisse entraîner par toutes les belles promesses. Je ne suis pas regardante sur l’esthétique, qu’importe le flacon pourvu que j’aie l’ivresse. C’est bien souvent dans les vieux flacons qu’on fait les meilleurs crûs, mais la vigueur de la jeunesse m’attire parfois.
Il m’arrive quelquefois, lorsque la soirée fut prolifique, d’initier un novice à la pratique, m’essayant à la patience pour apprendre à un débutant tout ce qu’il doit savoir pour bien danser, bien tourner, bien mener. Et je repars encore tourner dans d’autres bras, appréhender d’autres corps, connaître d’autres manières de faire.
Bien sûr j’ai quelques habitués, cavaliers dont je sais qu’ils s’accorderont à moi, faciles plaisirs pour une danse parfaite. Mais tout serait bien monotone si je ne devais me contenter que d’un ! Même un cavalier hors pair ne saurait me retenir bien longtemps tant le besoin de tester encore et toujours de nouvelles expériences me démange. Et si je me trompe, tombe sur un danseur tout mollasson ou tyrannique, je n’en suis que plus heureuse de trouver, l’instant d’après, de nouveau une valeur sûre.