Il est plus de minuit. Encore une fois, je tourne dans mon lit. Dans ma tête repassent les mots, la scène au ralenti. Je m’entends encore et encore débiter les mêmes âneries, avoir le même regard penaud, et je sens une fois de plus la sensation cuisante de l’humiliation publique. Je ne comprends pas vraiment ce qui s’est passé. Tout d’un coup, une joute verbale a commencé, et il est très clair que je n’en suis pas sorti vainqueur. Complètement pris au dépourvu, j’ai bafouillé, j’ai rougi, j’ai vainement tenté de me débattre. Puis j’ai capitulé.
Et là, alors que le film intra-crânien se déroule pour la énième fois, une voix qui pourrait être la mienne change quelques répliques. Pas de beaucoup, non. Une pointe de subtilité face à cette brute. Juste de quoi me rendre un peu moins niais. De quoi avoir l’impression que j’ai l’air narquois et non simplement paumé.
Il est plus de minuit. Encore une fois, je rejoue la scène au ralenti. Encore quelques enchaînements, et bientôt, chacune de mes phrases sera parfaite pour l’écraser, le remettre à sa place ce petit con. Il est plus de minuit. Je sais enfin quel genre de phrases il aurait fallu que je dise. Il est plus de minuit et déjà je ne sais plus ce qui s’est réellement passé, ce que j’ai vraiment prononcé, ce que j’ai rêvé. Il est plus de minuit, j’ai ma revanche…