Elle regarde distraitement par la fenêtre le soleil qui se lève, les paysages qui défilent, pensant à ce qu’elle laisse derrière elle. Ça ne lui ressemble pas vraiment, les yeux tournés vers le passé ou vers un hypothétique futur. Et pourtant, perdue dans ses pensées, elle songe à ce qu’elle pourrait ne pas retrouver à son retour. Quatre jours, tellement courts. Une éternité, cent fois le temps de tout perdre. Il suffit d’un coup de coude malencontreux pour faire tomber la coupe de cristal. La scène au ralenti, les sens affûtés, les réflexes heureux peuvent retarder la chute, limiter la casse voire sauver in extremis le précieux calice. Mais ils ne peuvent figer le temps, laisser en suspens l’objet inexorablement piégé dans le champ gravitationnel terrestre.
Quatre jours au summum de l’impuissance. Inutile, dans l’expectative, une boule au ventre, une autre dans la gorge et l’eau qui menace de déborder à tout moment, elle ne serait pourtant restée pour rien au monde. Trop consciente que ça ne servirait à rien. Trop respectueuse d’elle-même pour ne pas profiter, essayer de combattre ses terreurs et ses prémonitions, les éloigner coûte que coûte. Elle les retrouvera bien assez tôt. Les accueillera à ce moment-là. Parce qu’il faudra bien les vivre. Pleinement, comme le reste. En attendant, elle se concentre sur le petit bout qui l’attend depuis un mois à huit cent kilomètres de là. Qui a besoin de tout son amour et lui prendra toute son énergie.