C’était prévu. Le travail par dessus les épaules, avancer par coups de collier, s’immerger et exécuter en apnée ce que le papillon ne peut que survoler. C’était prévu. Les projets lancés qui demandent concrétisation, mille quatre cent quarante minutes qui ne se dédoublent pas, la course effrénée pour arriver en tête de liste de mes priorités. C’était prévu. Les engagements impérieux qui ne savent attendre, la focale qui s’étrécit pour mieux atteindre l’objectif, l’inévitable tri parmi les plans en pagaille. C’était prévu.
Ce qui ne l’était pas, c’était le temps. Le temps que je mettrais à admettre que je ne suis pas surhumaine. Que je ne peux pas tout faire et bien le faire. Que parfois la vie est une question de priorités. Et qu’un passe-temps, une évasion, ne saurait prendre le pas sur des réalités en détresse, demandant de plus en plus furieusement leur part d’attention.
Temps écoulé. Les mots prennent place dans la file d’attente pour revenir plus tard sur le devant de la vaste scène qu’est mon imagination. Certains tenteront une percée. S’ils sont aimables, discrets, pas trop envahissants, alors ils auront carte blanche pour un tour de piste. Et s’en repartiront se ranger pour ménager aux nouveaux poulains une petite chance de voir le jour au milieu de la jungle environnante.