Au cours d’accrogym, la loutre, le canard, le kiwi, la girafe et le castor devaient monter une pyramide tous ensemble. Avec la girafe comme base, ils étaient sûrs de réussir à monter bien haut, mais quelques problèmes se posaient quant à la largeur de leur édifice. Cela n’avait pas grande importance selon leur professeur libellule, mais ils avaient une certaine fierté et réaliser la plus belle et la plus stable des constructions en faisait partie.
Sans trop de réflexion, ils savaient pour sûr que la girafe soutiendrait la pyramide et que le kiwi s’y percherait, telle une cerise noire sur la pièce montée. Restaient le canard, la loutre et le castor à caser. Entre les deux petites cornes de la girafe, tout en haut du crâne, il devrait y avoir assez de place pour l’un des trois. Les deux autres n’auraient qu’à l’escalader, à s’accrocher par les pattes aux cornes et à avoir l’air un peu plus haut que lui et ça serait parfait.
Il fut donc décidé, pour un souci de symétrie, que le canard se nicherait sur le crâne de la girafe et que la loutre et le castor se positionneraient sur les côtés, an prenant soin de donner de la hauteur au tout, pour que le kiwi campe fièrement au sommet, le bec pointant vers le ciel en une pyramide gigantesque. Ainsi fut dit, ainsi fut fait et une demie heure plus tard le kiwi escaladait laborieusement le cou de la girafe. Arrivé à la cinquième cervicale, il eut l’idée saugrenue de regarder au sol, pour fanfaronner devant leur professeur qui passait par là.
Pris de vertige, il planta son bec dans le premier appui venu, le cou de son amie girafe. Celle-ci, surprise, fut prise d’une envie furieuse d’éternuer. Ce qu’elle finit par faire, envoyant tourbillonner en l’air loutre, canard et castor. La loutre et le castor prirent chacun une patte du canard dans leur gueule, ce qui empêcha celui-ci de prendre son envol.
Sous les yeux de tous qui s’étaient à présent arrêtés pour observer le spectacle, les trois animaux formèrent une seule boule mêlant poils et plumes qui finit par s’écraser au sol. Tandis que tous retenaient leur souffle, se demandant si l’un des trois au moins avait pu survivre à pareil choc, un étrange assemblage se releva cahin-caha et quitta les lieux, sous les rires incontrôlés des badauds, sans demander son reste. Ainsi naquit l’ornithorynque.