Contrainte : intégrer douze mots choisis à l’avance.
Saurez-vous les retrouver?
Vingt ans. Je suis, parait-il, dans la fleur de l’âge. Fleur âpre au goût amer lorsque je vois mon visage dans la glace. Fleur dont le nectar goutte à goutte s’évapore. Inéluctablement. Une fois l’aurore passée, la journée se déroule lentement, sans accroc, jusqu’au soir. Il en sera de même pour mon apparence : A peine éclose, je vais aller petit à petit vers la décadence de mon corps. Avant que j’aie le temps de me familiariser avec ce corps vigoureux et frais, je glisserai de « quelle jolie jeune fille » à « pas mal pour son âge ». Petit à petit, les rendez-vous chez la gynécologue cèderont la place aux visites chez le proctologue. L’exaltation de la jeunesse, éphémère, fera le lit de la rancœur, de l’aigreur, de la résignation. A moins que je ne sois de celles, qui paisibles, restent telles des rocs dans la tempête, strictement égales à elles-mêmes au fil des ans. Je ne sens pas chez moi ce caractère fort, inoxydable, imperturbable. Je me sens plus proche du bois, vieillissant en intégrant les marques du temps qui passe, que de l’acier trempé. Je sais que mon visage accusera le coup des jours tout comme il indique clairement lesquelles de mes nuits ont été trop légères.
Ne pas penser à ce foutu temps qui passe. Je suis jeune, j’ai la vie devant moi. Jeune femme de mon temps, je ne cherche pas à sonder les abysses de mon esprit, la conscience de mon corps me suffit. Je voudrais l’immortaliser par tous les moyens à ma portée, photographies, sculptures ou aquarelles. Avoir un temple à mon image, figée à mon apogée, pour prouver à tous lorsque je serai écrasée par le poids des ans que j’ai eu mon heure de gloire.
Rien ne sert d’essayer de retenir cette image de moi qui déjà m’échappe. Très peu pour moi les crèmes anti-rides, séances de sport ou régimes à base d’endives. Si le temps passe et doit me défigurer, qu’au moins je ne me prive pas dans ma beauté pour que, quoi qu’il en soit, dans trente ans mon compagnon me quitte pour une donzelle de vingt ans. Je veux profiter de ces courtes années où tout me sera permis grâce à mon joli minois. Me rouler dans le foin dans la grange, enchaîner les histoires ou sauter à l’élastique. Je veux tout faire, tout vivre avant qu’on me force à me rassoir et qu’on tue toute velléité d’aventure de ma part. Je veux pouvoir regarder la vie devant moi et celle dans mon dos avec le même sourire flottant.
Je veux qu’à la fin de ma vie, lorsqu’on regardera l’écume laissée par les jours passés, ces instants riches en promesses imprègnent le reste de mon existence.
Bonjour,
je vais tenter ma chance dans la recherche des mots et soumets au verdict :
âpre, proctologue,rancœur, inoxydable, abysses, aquarelles, temple, apogée, endives, donzelle, flottant, imprègnent
A bientôt L’Oiseau-Lyre