Conte de l’Avent – Comment Joe le cha(t)foin estourbit un canard poilu dans la géode chatoyante – 15 –

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Avant que Joe ne réagisse, une boule de lumière bleutée sortit du corps du canaroïde et alla se nicher sous son bandana tout contre son poitrail, pulsant faiblement. L’homme reposa le corps inanimé de Pierre-Henri, son regard se voila légèrement. Il se tourna vers Joe : “Apparemment, j’ai une grande confiance en toi. Je ne veux aucun mal à ton ami, je veux juste que nous soyons plus forts ensemble. Comme gage de ma bonne foi, je vais te présenter aux deux autres”. Et il repartit vers les deux hommes, toujours immobiles dans un coin de géode.

Joe hésita longtemps à avancer. Puis la boule de lumière bleutée sortit de son abri pour l’inciter à suivre l’homme, avant de regagner la chaleur du poil de son ami. Joe revint donc vers ces hommes sans odeur. Il toucha le plus jeune d’un bout de truffe intrigué et le plus vieux en enroulant sa queue autour de son mollet. Les trois hommes réanimés se serrèrent par les avants-bras, en cercle, puis le plus malade reprit la parole.

“Nous sommes Pierre-Henri. Tous les trois. Sa jeunesse, son état actuel et un avenir possible, qui n’adviendra que si je guéris. Et je ne peux guérir qu’avec ton aide”.

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Joe s’approcha des trois hommes en humant l’air, mais ils n’avaient pas d’odeur particulière, seul flottait le parfum de Pierre-Henri dans la géode.
Arrivé à la hauteur de l’homme malade, Joe le toucha du bout de la patte, appuyant doucement sur sa chaussure. Aussitôt, celui-ci s’anima. Il marcha laborieusement vers Joe, qui recula précipitamment, continua dans la géode, un pas à la fois, le regard fixé sur son objectif. Joe comprit qu’il allait vers le canard, et courut aussi vite qu’il le pouvait sur la pierre glissante pour le protéger. Aucun changement n’était notable chez son ami.

Quand l’homme se tint devant eux, il était épuisé, une pellicule de sueur que l’on devinait glacée sur le visage. Il n’y avait aucune hostilité en lui, uniquement de la détermination. Il tendit la main, caressa Joe avec tendresse et souleva Pierre-Henri, le regard empli de nostalgie. Circonspect, Joe l’observait fixement. Puis l’homme parla à l’oreille de Pierre-Henri : “L’un de nous deux doit mourir, mon vieux. On ne peut pas s’éparpiller dans deux corps comme ça. Il faut choisir si on veut avoir la moindre chance d’un avenir.”

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Joe se sentit minuscule, glissant sur les cristaux éblouissants. Pierre-Henri était toujours inconscient; il l’installa confortablement dans un creux à l’abri de la lumière. Puis il essaya d’explorer les environs, plantant ses griffes dans la pierre pour ne pas tomber. Il était totalement entouré de stalactites, de stalagmites et autres concrétions de couleur bleue. La lumière ricochait sur les cristaux, l’aveuglant et le fascinant à la fois. Captivé par le spectacle de la géode chatoyante, il arrivant sans y prendre garde au niveau de trois hommes qui se tenaient immobiles et parfaitement silencieux.

Le premier était un jeune homme d’allure nonchalante, très chevelu et l’œil malicieux. Le deuxième était un homme d’âge moyen, qui semblait plutôt mal en point, les cheveux clairsemés, l’air de flotter dans sa peau, le cou d’un oisillon à peine éclos mais l’œil déterminé. Le troisième était un vieil homme chauve, très stable sur ses appuis, l’air serein, la moitié droite d’une tête de chat stylisée tatouée au creux du poignet gauche.

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“Joe, tu me dois un service avant Noël. L’heure est venue de remplir ton contrat. Tu vas accompagner Pierre-Henri dans la géode, et tu vas affronter ses démons pour lui. Son corps actuel a atteint ses limites, il ne reprendra pas une vie consciente. Sa vie intérieure est très riche mais il est déboussolé, tiraillé. Je ne peux pas l’aider directement, je ne peux pas défaire le travail d’une collègue. Mais toi, que j’ai façonné, tu vas le sortir de là.

Si tu remplis ta part du contrat, tu retrouves ton ami et vous évoluez tous les deux vers une nouvelle vie. Si tu réussis, je gagne un duel contre La Tigrée qui s’éternise depuis trois siècles. Et j’évolue également en Samantha L’étoilée, ce qui me permettrait de me faire payer en âmes perdues et en liqueurs au lieu de n’accepter que des promesses…
Si tu échoues, je ne peux malheureusement pas te dire ce qu’il adviendra de vous. Mais si tu refuses, je n’oublierai pas la statue…”.

Joe hocha la tête et accepta le défi. Aussitôt, Samantha rétrécit les deux animaux jusqu’à ce qu’ils aient la taille d’une noisette et les transféra dans la géode.


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Samantha ouvrit la fenêtre et fit aussitôt entrer les deux amis. Elle regarda Joe, qui ne cessait de miauler pour lui expliquer la situation, de l’air satisfait du professeur devant les progrès de son élève. Elle soupesa délicatement Pierre-Henri, prit sa tête brûlante entre ses mains fraîches, sentit son cou, son poitrail et le dessous de ses ailes, caressa de la pulpe des doigts ses pattes palmées.
Puis elle le posa sur la toile cirée de la table de la cuisine, et s’en alla farfouiller dans les placards de l’entrée, du salon, de sa chambre, un Joe très attentif sur les talons.

Enfin, elle trouva ce qu’elle cherchait et ramena une géode de la taille d’une citrouille sur la table. Elle la portait sans effort, pourtant la géode était presque complète, seul un cercle de la taille du poing était taillé en surface, laissant voir son intérieur d’un bleu profond veiné de blanc. Les couleurs étincelaient là où la lumière frappait les cristaux de saphir. En hochant légèrement la tête, on avait l’impression de regarder des abysses étincelantes à la lumière artificielle et puissante d’un projecteur halogène. Joe était fasciné. Il sortit de sa contemplation quand Samantha lui rappela la promesse qu’il lui avait faite presque un an auparavant.