La gazette du palais

Bonjour mes chères papilles, merci à vous lecteurs de la “gazette du palais” !

Aujourd’hui, nous ferons un petit récapitulatif de la semaine passée, riche en émotions. Vous pourrez également participer à notre jeu concours et peut être gagner un changement de fonction pendant toute une journée. Vous aurez ainsi la chance d’expérimenter la sensation de sucré , de salé, d’amer ou d’acide, selon vos envies.

Mais tout d’abord revenons sur la terrible catastrophe survenue mardi dernier. Comme vous le savez, nous avons perdu des centaines de collègues dans l’inondation de thé brûlant qui a ravagé la langue et l’arrière du palais. Cet incident est très clairement dû à une négligence des centres nerveux supérieurs, qui ont oublié de demander un test de la température du thé avant de le porter à la bouche. Les conséquences de ce sinistre se feront sentir pendant au moins quatre jours, et le retour à la normale est prévu pour jeudi prochain.

Cette brûlure a également mis à jour un début d’abcès au niveau de la joue droite, près de la zone de frottement de la molaire. Toutes nos pensées pour les travailleurs de cette zone, doublement touchés par la douleur. Nous leur souhaitons une rapide régénération.

Pour parler de sujets plus légers, rappelons nous l’instant de délice qui a pu ravir toutes les papilles en service pour le repas de dimanche soir. Vous avez ainsi pu déguster un merveilleux magret de canard, servi avec une sauce aux framboises, pour votre plus grand bonheur. Une mention spéciale aussi pour le tiramisu de chez Papamia lundi midi, j’espère que vous en avez bien profité.

Comme promis, notre jeu concours pour gagner une journée de test d’une nouvelle fonction, afin de varier tous vos plaisirs. Cette semaine, c’est votre mémoire qui sera mise à l’épreuve : le premier qui trouvera la liste complète des ingrédients de la salade de mardi midi gagnera ce concours !

Bonne semaine chers lecteurs, et merci encore de votre fidélité à “la gazette du palais” !

Mot d’excuse

Monsieur le directeur,

je vous prie de m’excuser pour hier soir, je me suis égarée. Il est bien évident que j’ai mal interprété votre proposition de “promotion-canapé”. Vous trouverez ci-joint la facture vous permettant la reprise du meuble considéré ainsi que son remboursement. Je vous laisserai le soin d’expliquer à votre femme que l’erreur vient de ma part et que vous ne m’avez jamais demandé de nouveau canapé.

Concernant ma promotion -si votre offre tient toujours- j’ai pris le soin de préparer petits fours et canapés pour ce soir, vous n’aurez qu’à passer à la maison les déguster. Comme je suis fine cuisinière, il me semblait vraiment trop facile d’obtenir une promotion de cette manière et c’est pour cela que je n’ai pas compris où vous vouliez en venir l’autre jour. Mon mari et mes enfants seront ravis de vous rencontrer et vous témoigneront toute leur gratitude pour la chance inespérée que vous m’offrez à moindre frais.

Je vous prie d’accepter encore une fois mes plus plates excuses,

Sincèrement vôtre,

Elena.

Les bons conseils d’une Tata

Ma très chère nièce,

Tu es grande maintenant, tu entres dans l’âge que l’on nomme ingrat de la presque adolescence. N’attends pas de moi les habituels conseils que tout le monde te rabâche (lutte à mort pour ta virginité, sois bien sage si tu veux réussir dans la vie, ne monte jamais en voiture avec un inconnu, garde ta ligne et j’en passe). Je voudrais réellement t’aider pour ce qui risque d’être les meilleures années de ta vie.

Tout d’abord, ne fais pas de choses stupides. Ne fais pas le mur pour sortir, tu finiras par te faire avoir. Si tu dis que tu vas dormir chez une amie, mets-la au moins dans la confidence, ça t’évitera bien des soucis.

Choisis pour meilleure amie “quelqu’un de bien” que tes parents approuveront sans réserve. Paie-la s’il le faut. Si par chance tes parents croient que ta complice de toujours est un ange, ne les détrompe surtout jamais. Même s’ils essaient de te comparer à elle et que tu ne lui arrives pas à la cheville. Tous les parents ne donnent pas leur bénédiction aussi facilement. Profites-en à fond et couvre-la toujours.

Ne rentre jamais bourrée à la maison. Si tu prévois de boire beaucoup, trouve un endroit où dormir, même si c’est un caniveau. En revanche, les jours où tu seras “un peu pompette” fais comme si tu n’avais jamais bu autant et dis que tu ne te sens pas bien. Ils t’engueuleront sur le coup mais seront soulagés pour un moment.

Écoute d’une oreille attentive les gens qui te mettront en garde contre les garçons. Ils te diront que ce ne sont que de grands sacs d’hormones et qu’ils ne pensent qu’à une chose, peu importe leur comportement (les gentlemen, les poètes, les bad boys et les asociaux ne pensent qu’à ça, même s’ils ne savent pas tous comment mener à bien leurs projets). Cela est tout à fait vrai. Mais n’oublie jamais que tu ne vaudras pas mieux et qu’aussi fleur bleue ou amoureuse tu penseras être, tu n’es toi aussi qu’une amphore remplie d’hormones en quête de sensations. D’où mon conseil : arrange toi pour ne pas tomber enceinte, et pour qu’au moins une de tes amies te couvre et sache où tu es (si tu dois être dans une situation délicate, choisis une amie de confiance, muette de préférence).

Enfin, ne te confie jamais à ta grand-mère. Aussi sûre qu’elle puisse te paraître, un jour ou l’autre elle ne manquera pas l’occasion de rappeler à ta mère à quel point elle te connaît mieux qu’elle et étalera ta vie privée.

Mon très cher neveu,

Pour toi, c’est plus simple. Mène ta vie amoureuse comme tu l’entends -quoi que tu fasses, ce sera bien. Mais si tu veux avoir la paix et éviter questions ou sous-entendus, pense à inviter quelques amies (paie-les s’il le faut) présentables. Ramène aussi épisodiquement des amies non présentables -voire carrément vulgaires- pour que le jour où tu présenteras l’élu(e) de ton coeur, la comparaison soit toujours en sa faveur.

Dans la mesure du possible, évite de faire des trucs illégaux, et, surtout, si tu le fais, n’en réfère pas à un adulte bienveillant dont le premier souci sera de te remettre dans le droit chemin (c’est valable pour moi aussi).

Enfin, ne sois pas trop sage, ça paraîtra toujours louche. Même si tu n’aspires qu’à écrire de beaux poèmes dans ta chambre d’étudiant, laisse toujours tes parents croire que tu es quelqu’un d’espiègle et qu’ils ont finalement de la chance que tu ne sois pas un “vrai” délinquant, mais seulement un adolescent un peu fou-fou et plutôt bien canalisé. Note que ce conseil s’applique également si tu es un “vrai” délinquant. N’essaie pas de jouer les fils modèles, ça attirerait trop d’attentions sur toi. Fais régulièrement des choses stupides mais sans conséquence, c’est un camouflage bien plus efficace.

Voilà, mes chers enfants. profitez à fond de ces années dorées. En cas de problème, pensez bien à détruire cette lettre et ne parlez pas de moi. Vous apprendrez ainsi à assumer les conséquences de vos actes et vous deviendrez des adultes responsables.

Je vous embrasse bien fort,

Votre Tata qui vous aime.

Bordel, ça marche plus

Dieu est rentré de vacances ce matin, et déjà, le voilà débordé. Bon, en deux millénaires, il s’attendait plus ou moins à avoir quelques affaires à régler en rentrant, mais il avait quand même placé son fils à la tête de son entreprise pour assurer ses arrières. Et le voilà crucifié, ça commence bien. D’autres entreprises en ont profité pour grignoter petit à petit sa création. Il n’aurait peut être pas dû s’absenter si longtemps, mais il faut dire qu’il a perdu la notion du temps à visiter les autres univers, même s’il en a retiré quelques bonnes idées pour améliorer son business…

Il est tout de même temps de reprendre les choses en main. Pour commencer, rien de tel qu’une apparition divine pour annoncer à tout le monde qu’il n’est plus le temps de rire et reprendre sa place… Dieu va donc choisir sous quelle forme il préfère apparaître aux yeux de tous. Son choix se porte sur le modèle “Dieu lumineux, éblouissant” qui fait toujours effet sans avoir besoin de trop soigner les détails. Il tape la commande lui permettant de l’activer et attend. Rien ne se passe. Il retape la commande. Toujours rien.

Marie ! Qu’est ce qui se passe avec les commandes? Je ne peux plus m’incarner…” Mais Marie n’apparaît pas. Il n’a pas vu Jésus non plus, depuis qu’il a appris qu’il était crucifié. Il va devoir se débrouiller seul. Il teste une autre incarnation, “Dieu géant fait de tempêtes”. Ça fait peut être trop, mais c’est pour essayer. Rien non plus. Message d’erreur “No longer used, old fashioned”. Ben voyons. Il teste encore le “Dieu éblouissant”. Un éclair l’aveugle, et la machine s’éteint. Il se regarde. Toujours rien. Dieu tape sur la machine. Rien ne se passe. Dieu crie et lui ordonne de fonctionner. Après tout, les machines devraient au moins lui obéir, il ne leur a pas encore laissé le libre-arbitre, quand même… Rien de rien. Dieu perd patience, il tempête, essaie au moins de détruire cette stupide machine par sa volonté divine. N’y arrive pas.

Il sort bouillonnant de colère. Descend directement sur Terre, à la recherche de son fils. Tant pis pour le sensationnel, il y va au naturel. Dieu use de sa grosse voix pour se faire reconnaître. Il est surpris de voir un concert d’applaudissement saluer sa performance. “Bravo, les effets spéciaux”. “Maman, le monsieur dit qu’il est Dieu, mais c’est truqué, pas vrai?”. “Tenez monsieur, quelques pièces pour manger, vous les avez bien méritées”. Dieu se fâche tout rouge et demande à voir Jésus immédiatement. On lui rit au nez, l’applaudissant de plus belle. Il se concentre pour attirer la foudre sur ces stupides badauds. Rien ne se passe. Ah, si il entend le tonnerre. Suivi immédiatement d’un “pardon, maman, j’ai pas fait exprès”.

Dieu, au bord de la crise de nerfs, regagne le ciel. Se sert un chocolat chaud avec du pain d’épices. Ça va mieux. Puis il  actionne la commande lui permettant de supprimer sa création avant d’en commencer une nouvelle. “Bordel, même ça, ça marche plus?” Peu importe. Demain, il se trouvera un bout d’univers qui n’a pas encore de planète et recommencera. Et pour ce brouillon-ci, ils ont l’air de bien s’en sortir tous seuls, non? Note pour la prochaine fois, éviter le libre-arbitre, c’est un coup à se retrouver au chômage, ça…

Hier, je suis mort

Hier, m’a-t’on dit, je suis mort. Je ne m’en étais pas rendu compte, tellement occupé que j’étais à faire attendre mon entourage. J’inventais des subterfuges, pour tenir encore et encore plus longtemps. Je m’amusais à les faire languir, dosant avec soin mes effets, mes pics de maladie, leur donnant de faux espoirs et faisant des pieds de nez à la mort. Je les écoutais patiemment me sortir du “on t’aime tellement pépé” pour être couchés sur l’héritage. Et je leur ai fait croire à chacun qu’ils auraient la plus grosse part, pour être sûr d’avoir toujours et encore de la visite. Avoir un public sans cesse renouvelé, de l’affection sincère ou feinte, à mon âge peu importait…

Et voilà que je suis mort hier, et que je n’en ai même pas profité. Quelle différence pour moi? Cela faisait longtemps que je les observais comme de très haut, je n’ai pas senti de changement majeur. A bien y réfléchir, il m’a semblé effectivement qu’ils ont pleuré. Tous. Je m’étais dit que j’étais meilleur comédien que d’habitude, mais pour le coup, peut être qu’eux ne jouaient pas toutes ces années. Bah, quelle importance maintenant? Ils ont toujours cru que je les aimais, c’est ce qui compte, non?

Et aujourd’hui, que vais-je bien pouvoir faire? J’ai le monde devant moi, et je suis tellement habitué à ce que personne ne me comprenne que la mort s’annonce au final comme ma vie. Personne ne me voit. Je n’ai plus de consistance. Mais je peux bouger pour moi même, ce que j’étais bien incapable de faire ces dernières années. Alors je me remets au sport. Je joue au foot avec les étudiants, courant derrière la balle, sans effet notable. Je m’entraîne au 100 mètres haies, sport auquel je bats tous les records. Je danse le tango dans les salons du troisième âge. Et la salsa dans les discothèques branchées. Seul, mais si je me tiens assez près d’elles, je sens l’odeur des jeunes étudiantes me chatouiller les narines.

Ma foi si l’on m’avait dit ce qu’était la mort, je me serais peut être un peu moins accroché à la vie.