Je me suis pris le divorce de mes parents en pleine gueule. Bien sûr il n’y avait pas que ça, mais j’ai toujours pensé que sans cette séparation, il n’y aurait pas eu de dommages collatéraux. J’ai imprimé dans chaque parcelle de moi cette déchirure, cette haine, ce vide. Et, très logiquement, je me suis jurée depuis ce jour de ne jamais faire vivre ça à mes enfants. De leur construire un foyer stable, de les entourer d’amour et surtout qu’ils aient toujours près d’eux leurs deux parents. Unis.
Et me voilà, vingt ans plus tard. Vingt-cinq ans, une fille de trois ans et un choix à faire. Au moment précis où des années de mensonges dévoilées m’amènent la certitude qu’il ne peut être le bon. Ni un bon compagnon, ni un bon père pour cette petite. Et surtout, pas le bon. Il n’est pas celui avec qui je pourrais effectivement construire un havre d’amour, celui avec qui je m’imagine dans vingt ans, celui avec qui j’envisage de passer ma vie après que les enfants soient partis. Donc. Quand pour tout le monde la rupture parait inévitable. Quelle petite fille dois-je trahir? Celle à qui j’ai promis ou celle dont je suis responsable? C’est évident, mon enfant passera toujours avant. Mais pour elle, quelle est donc la meilleure solution? La moins pire décision? Tandis que je m’apprête à bouleverser sa vie et la mienne, je sens que je ne pourrai jamais savoir ce qu’aurait donné l’autre option. S’il existe un putain d’instinct maternel, c’est le moment de me dicter ce que je dois faire. Et surtout, m’aider à supporter, chaque jour qui suivra, les conséquences de cette coûteuse décision, et consoler la petite fille qui pleure bien cachée au sein de ma forteresse.
En espérant qu’un jour elles comprennent et me pardonnent, je m’apprête à me conduire, finalement, en adulte responsable.