Psssst. Tu dors?
Réveillé en sursaut, je cherche des yeux d’où vient le son. Il me semble reconnaître cette voix qui résonne encore dans ma tête.
Qu’est-ce qui se passe? Il est quelle heure?
Instinctivement, j’avais pensé mes mots plutôt que de les dire à haute voix.
Tu veux connaître notre histoire?
Billy? Tu es revenu?
Il me semble que cela fait plus d’un an que le petit homme avait visité ma chambre, à tel point que malgré tous mes espoirs, j’avais fini par croire que j’avais rêvé.
Je ne suis jamais parti, tu sais. Nous vivons ici depuis aussi longtemps que toi.
Mais je ne t’ai jamais revu. Ni toi ni personne qui te ressemble. Tu as bien dit que vous étiez plusieurs? Tu es né ici? Tu as l’air plus vieux que moi pourtant… Tu me parais plus petit que la dernière fois aussi.
Et c’est vrai. Aussi bizarre que cela paraisse, il est vraiment plus petit que lors de sa première visite. Ce qui ne fait vraiment pas bien grand.
L’heure est grave. Nous allons disparaître, tu sais.
Papa passe trop souvent l’aspirateur?
Ne dis pas de bêtises. Nous avons toujours vécu avec un passage régulier d’aspirateurs, cela ne nous pose pas de problème. Tu ne me reconnais pas?
Je suis surpris qu’il me pose cette question. Je lui ai déjà dit que je l’avais vu la dernière fois. Que veux-t-il me dire?
Non. Ça ne nous étonne pas en même temps. Si tu te rappelais, nous n’aurions pas de problème, en fait. Tu ne peux pas voir les autres, ils sont dans état encore plus lamentable que moi. Je suis celui qui avait le plus de chances de réussir. La dernière fois, j’avais cru que… Mais finalement non, je m’en rends bien compte.
De quoi parles-tu?
Je le vois s’asseoir, les épaules voûtées, sur le bord de mon oreiller.
On ne peut pas t’en vouloir, n’est-ce pas? Alors je suppose que tu veux vraiment connaître notre histoire, c’est bien cela?
Oui, bien sûr…
Tout a donc commencé quand tu es arrivé dans cette chambre. Tu ne t’en souviens pas?
J’étais trop petit, je crois. Je ne me souviens que de cette chambre, à vrai dire.
C’est vrai que tu étais petit. Tu parlais à peine. Tu étais très solitaire comme enfant. Tu en as passé, du temps, dans cette chambre. Tu n’es pas resté seul bien longtemps, nous sommes arrivés dès que tu nous as appelés. Et nous ne sommes jamais partis.
Je regarde Billy, bien certain de ne jamais l’avoir vu avant cette nuit, un an plus tôt. Il regarde les volets, angoissé. Se relève en toute hâte.
Il est l’heure, je ne peux rester plus longtemps.
Attends, Billy, enfin !
Mais c’est trop tard. À peine un clignement de paupières et l’oreiller est vide.
Je reviens bientôt. Dors avant qu’il ne fasse tout à fait jour.
Frustré, je cherche où il a bien pu passer. Me recouche avec mille précautions, même si je suis quasi-certain qu’il n’est vraiment plus là. Le temps que j’arrive à trouver à nouveau le sommeil et le réveil sonne, me rappelle à ma vie d’élève studieux.