“J’ai perdu ma virginité à cause d’un chevreuil. Dit comme ça, ça fait assez peu crédible, voire même assez ridicule. Excuse facile alors que pourtant, vu mon âge, je vous garantis que je n’en cherchais pas, d’excuse ! Mais je digresse. Je disais donc que j’ai perdu ma virginité à cause d’un chevreuil. Je rentrais de boite de nuit accompagnée et c’est moi qui conduisais. Le gars que j’avais dégotté me semblait un peu timide, un peu endormi ou un peu froid. Ou les trois à la fois. Je ne savais pas trop comment lui faire comprendre qu’il avait quelques bases de retard et qu’il serait temps pour lui, et pour moi , de s’activer un peu.
Alors que je tentais le tout pour le tout en posant ma main sur son genou, il m’a fait remarquer que le levier de vitesse n’était pas là. Je me tournai légèrement pour voir s’il était sérieux ou non quand il me dit de faire attention, qu’il y avait souvent du gibier à traverser dans ce coin et qu’il ne tenait pas vraiment à avoir un accident. Plus que refroidie, je repris la conduite, renfrognée. La tête ailleurs, je faisais mine de me concentrer. En réalité, il faut le dire, je cherchais le moyen de lui faire payer cet affront.
Comme vous vous en doutez, je fus surprise et vis trop tard une silhouette dans les phares de la voiture. Tout petit lapin perdu, immobilisé avant l’impact au milieu de la route. Je fis un brusque écart à gauche dans un ancestral et stupide réflexe pour l’éviter. Bien évidemment, je traversai d’un coup les deux voies de circulation et finis par m’encastrer dans un des arbres bordant la route sur la gauche. Le tout dans le hurlement des pneus et du trouillard assis à la place du mort. Après l’impact, tout ne fût plus que silence dans l’habitacle. J’en vins à penser qu’il l’était vraiment, mort. Je sortis de la voiture en état de choc et allai voir de son côté, pour constater les dégâts. Il ne bougeait vraiment plus, et vu sa tête, l’envie de lui faire du bouche à bouche m’avait subitement passé. J’étais en train de chercher mon téléphone pour appeler les secours quand je vis un sanglier traverser. Suivi de très près par ce qui ressemblait fort à un braconnier, armé d’un fusil à plus de deux heures du matin.
Chouette, il allait sûrement prendre les choses en main, me dis-je intérieurement. Je pris ma plus belle tête de jeune fille en détresse et lui demandai de l’aide. Il avait l’air triste de laisser courir le sanglier mais s’empressa d’appeler les secours, vérifia l’état de santé de celui que je n’osais plus regarder, puis se retourna vers moi, me disant que vu la bête que j’avais laissé s’enfuir, je lui devais une grosse faveur. D’autant qu’il risquait gros si on le trouvait dans les parages. Je lui dis de filer, que je le rejoindrais plus tard, après toutes les formalités que l’accident allait occasionner.
En toute fin de nuit, je tins parole et le rejoignis dans sa demeure. Aussitôt, il me demanda de lui préparer un bœuf bourguignon, qu’il n’a jamais su cuisiner correctement, me disant qu’ensuite nous serions quittes. Horriblement vexée de sa proposition, je le poussai en éclatant d’un rire dément. Il trébucha, se prit les pieds dans le tapis, recula, essaya de reprendre l’équilibre et arrêta sa course à l’autre bout du salon, la tête traversée par le bois d’un chevreuil accroché au mur. C’était bien ma veine, voilà qu’il allait me lâcher aussi, celui-là ! Je pris son pouls, le détachai de son support et l’allongeai sur le lit. Où je pus constater qu’on ne m’avait pas menti. La rigidité cadavérique me permit de mettre enfin ma virginité derrière moi. Vous voyez bien, monsieur l’infirmier, que ce n’est pas de ma faute…”
Alors Laura, ton récit est sympa, on devine bien la folie de ton personnage, elle se dévoile au fur et à mesure, c’est assez bien amené. Par contre, faudra que tu penses à soigner les détails et la crédibilité de ton récit. Ta manière d’amener les nouveaux éléments (bien évidemment, comme vous vous en doutez) me laisse perplexe, mais pourquoi pas, si c’est ton style. En revanche, un rigor mortis aussi tôt après la mort, je n’y crois pas une seconde. Pour parvenir à la même chute, tu aurais pu nous parler d’un rouleau à pâtisserie, des bois du chevreuil, du fusil du chasseur servant de tuteur. Ou arguer qu’il n’était pas complètement mort, que ton personnage l’avait drogué au viagra, que ses tentatives pour se débattre amplifiaient les sensations. Non, vraiment, pour le rigor mortis et la fin un peu bâclée, je t’enlève six points. Tu feras mieux la prochaine fois.