Au conditionnel

J’en entends souvent se promettre de s’aimer toujours, que la vie ne les séparera jamais. Moi, je ne t’aimerai pas toujours d’un amour inconditionnel, quoi qu’il arrive, quoi que tu fasses. Je t’aime tel que tu es, maintenant. Ca ne veut pas dire que si tu ne changes jamais, je t’aimerai encore dans un an, deux ans, dix ans. Peut être que oui. Et peut être que non, je ne sais pas. Parce que moi je vais changer. Inévitablement. Je ne sais même pas si aujourd’hui, j’aimerais la “nouvelle moi” si je la rencontrais. Mais je te demande à toi d’être à même de l’aimer quand elle arrivera. Ou pas. Peut être qu’à ce moment-là, ça n’aura pas d’importance.

Aujourd’hui, je pourrais penser des « toujours » qui s’effaceront avec le temps. Ou qui resteront, mais seul le temps pourra résoudre cette équation. D’un côté, la routine, nos envies à deux qui redeviennent les envies de chacun, l’appât de la nouveauté, la lassitude, l’agacement, la mauvaise humeur de chacun qui se laisse voir petit à petit, les doutes qu’on garde pour soi, l’envie de liberté qui ne se conjugue plus à deux. De l’autre la complicité, la confiance, le respect, les amis communs, la compréhension, la place dans la famille, les matins câlins, les projets qui nous emmènent toujours en avant, la découverte de nos limites et leur franchissement, et une bonne dose d’humour.

Parce qu’il n’est de « bonne personne » qu’au bon moment, et que c’est à nous de nous donner les moyens de prolonger ce moment, tant qu’on estime que le jeu en vaut la peine…

Coup de vieux

Je l’ai croisée aujourd’hui dans le métro, assise en face de moi elle a souri quand je suis arrivée. Simple sourire d’une adolescente qui regarde les gens avec curiosité et ouverture, sans réponse exigée.

Jeune fille à la peau lisse et au bronzage sain de ceux qui passent plus de temps au grand air qu’allongés sur la plage, elle doit avoir dix ans de moins que moi. Je lui rends son sourire, pensant qu’il n’y a pas si longtemps, j’étais comme elle. J’avais la même fraicheur, celle que l’on a lorsqu’on sait que pour nous tout est possible. Fraicheur qui frise l’insolence en regardant tous ces gens enfermés dans leur quotidien plus ou moins palpitant, en leur offrant notre sourire le plus candide qui soit. Exactement le type de sourire que m’a fait la gamine tout à l’heure.

La vie en chantier

Construire sa vie, brique après brique, monter les murs, ouvrir des portes, prévoir un toit pour se protéger et terminer par la déco. Être satisfait de son oeuvre ou recommencer différemment, ne pas s’enfermer mais au besoin abattre des cloisons, rajouter des baies vitrées, déménager. Tout raser de fond en comble ou conserver les fondations, laisser son travail derrière soi dans l’idée d’y revenir, ou vendre pour que le tout puisse profiter à d’autres. Ne pas se limiter dans le temps ne pas s’occuper de l’espace, juste construire ce que l’on a en tête, ce qui nous fait plaisir, ce que l’on veut. Prendre en compte trop tard les exigences du terrain ou les laisser déterminer l’évolution du chantier, obtenir au bout du compte un pavillon bien calibré.

Se rendre compte au final que le chantier, c’est la vie, et que la fin importe peu.