Bon, d’accord, vous avez gagné, je me rends. J’avoue que vous vous êtes bien battus et que là, je n’avais pas d’alternative. Je n’irais pas jusqu’à dire que j’ai trouvé ça beau, je n’irais pas jusqu’à dire que vous avez été loyaux. Mais vous avez gagné, c’est sûr. Je ne m’abaisserai pas à sous entendre que je vous ai un peu aidés, vous avez bien dû vous rendre compte tous seuls que parfois je flanchais et vous laissais l’avantage. Mais je ne remets pas en cause votre victoire, loin de là. Même si je ne dirais pas qu’elle était méritée. Spectaculaire, oui. Mais méritée? Soyons réalistes, vous avez quand même eu un peu de chance. Et puis c’était votre première fois, il fallait bien que vous preniez goût au jeu. Allez, entre nous, maintenant que je me suis rendu, vous pouvez me l’avouer : vous aussi vous êtes aperçus que je vous avais mené où je voulais, que j’étais maître pendant les trois quarts de notre affrontement? Vous avez profité de ma gentillesse et de ma pitié, et vous étalez maintenant votre victoire, mais vous savez bien au fond que je reste supérieur à vous et que vous avez de gros efforts avant de ne serait-ce que m’égaler. Bon, pour cette fois je ne dirais rien et je vous laisse parader, mais la prochaine fois, je vous l’assure, vous ferez moins les malins !
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Prendre la réalité en farce
Du plus loin qu’il se souvienne, il a toujours eu l’impression de prendre la réalité en farce. Non pas qu’il la trouve drôle et tourne tout en dérision. Il se sent plutôt dindon, et la réalité la chair à pâté dont il serait farci chaque jour un peu plus. Il se sent tellement plein de cette réalité qui s’insinue partout en lui, comblant chaque vide, colmatant chaque brèche, ne laissant aucune place à une fuite virtuelle. Tout se rappelle incessamment à son esprit, mettant des barrières plus que tangibles à ses ambitions, ses espoirs, ses rêves. A tel point que le trop plein lui sort par les trous de nez, par les oreilles, que la migraine le guette. Laissez le donc oublier pour un instant les affres de la réalité pour se concentrer un peu plus sur les possibles qu’il imagine. Et peut être qu’il arrêtera un jour de se farcir l’avenir…
Ad libitum
Posée là, sur le canapé, elle serre ses maigres bras autour de ses coudes anguleux. Si elle ne psalmodiait pas continuellement sa litanie, on penserait qu’elle fait partie des meubles. Un meuble qui se balance, joli mobile posé là sur le canapé. Une boîte à musique moderne, en quelque sorte. Pas très High-tech, plutôt bio-tech, elle est maintenant fondue dans le décor, comme le bocal du poisson rouge. On lui dit bonjour en arrivant, tendre réflexe de vie en harmonie. Et toujours en fond sonore résonne sa ritournelle, sans parole mais pénétrante. Sa façon de communiquer ses états d’âme que l’on intègre inconsciemment en passant à ses côtés. La journée nous use mais ne la change pas. Toujours tourne dans la tête une mélodie qu’elle nous souffle sans s’arrêter.
Errance de jeunesse
Ma mère n’a pas toujours été la femme rangée, sage et sortable que vous connaissez. Quand elle était jeune, parait-il, elle a fait quelques “erreurs”. Moi je dirais plutôt qu’elle a erré, attendant quelque chose sans savoir quoi, comme la plupart des gens errant. Alors elle nous a eu tard, mon frère et moi. Elle n’est vraiment plus toute jeune maintenant… Mais ça ne me dérange pas, elle ne cherche pas à être ma meilleure copine. Elle a mis du temps à trouver mon père, enfin, du temps avant d’être prête à ce qu’il soit mon père. Avant cela, elle a essayé de nombreuses choses, expériences, partenaires, substances… Elle ne s’en cache pas, ne le regrette pas, ne nous le souhaite pas non plus : elle a conscience qu’en d’autres circonstances, elle pourrait errer toujours. Et qu’elle est quand même heureuse de s’être “posée”.
Vendre du ciel
Pensive, je lève la tête et regarde le plafond, gris et terne, de l’entreprise. A chaque fois que j’ai besoin d’inspiration, je contemple les mêmes carrés un peu salis, les mêmes joints blancs qui ont gardé leur couleur à côté des dalles captant toute la crasse émise par les trente employés. Et en tant que designer, je dois dire que j’ai souvent l’occasion de lever les yeux au plafond pour voir si un carré blanc pourrait me lancer une idée géniale.
Et un jour, effectivement, l’idée m’est venue. Tombée comme ça d’en haut, je me suis dit que certaines entreprises gagneraient à équiper leurs plafonds de choses vraiment inspirantes. Et j’ai décidé de vendre du ciel. Un bout de ciel bleu, orageux, nuageux au dessus de chaque employé et les gens se demanderaient pourquoi ils regardent en l’air avant de trouver leurs réponses dans des formes préconçues, affichant grosso modo, le message “retourne travailler”. Un nuage en forme de clavier, la foudre s’abattant sur une forme incertaine, un soleil écrasant qui serait à deux doigts de brûler la rétine, l’infini prêt à nous engloutir. Un œil immense au-dessus de l’entreprise, où chacun pourrait se demander quel dessin abrite la caméra, le mouchard qui le mènera au licenciement.
Pour les créatifs, bien sûr, hors de question d’utiliser cette stratégie, cela serait un désastre que d’obliger de tels artistes à travailler, et complètement anti-productif. C’est pourquoi j’ai commencé a designé ma propre dalle, toute en formes abstraites pouvant me dire mille choses selon mes questionnements, l’heure de la journée ou la drogue ingurgitée. Depuis, je passe pas mal de temps à regarder le plafond, et l’imagination ne me manque plus pour torturer mes prochains.