Haute résolution

Dans ma vie en noir et gris, je suis allée chercher chaleur et lumière pour me recolorer. Patiemment, j’ai retrouvé et recréé une à une les couleurs de ma vie. Je teste mes propres mélanges, je choisis et invente de nouveaux assortiments en quête d’harmonie.

Toute absorbée, enveloppée par ces couleurs qui me reviennent au compte-goutte, je n’avais pas remarqué la soie qui bouchait mes oreilles. Les fils de ma chrysalide, tissée serrée autour de mon être pour me protéger, le temps que ma chair à vif cicatrise. Je savais bien que je ne dansais plus, mais je n’avais pas noté l’immense sourdine autour de mon cœur, l’empêchant de chanter, fredonner la moindre mélodie.

Et pourtant, à mon insu, telle une baleine solitaire, j’ai envoyé de puissantes notes à travers le temps et l’espace. Jusqu’à trouver un écho. Jusqu’à entendre une vibration, une résonance, finalement. Fraîchement sortie de mon cocon, j’ai voleté jusqu’à sa source. Ballotée, secouée, remuée par des ondes trop intenses, de trop hautes fréquences, j’ai vaillamment gardé le cap.

Et voici que j’entends à nouveau la musique du monde. Et voici que je chante à nouveau. Et voici que je danse à nouveau. Je lance des lignes de basse dans l’univers. Et je reçois d’exquis accords en retour.

Les phrases mélodiques s’enchaînent et se répondent. Chacune son rythme, chacune son harmonie. Chaque phrase se suffit à elle-même. Mais combinées entre elles, elles dessinent un ensemble unique. Les silences qui s’intercalent permettent à la musique de se développer, puissante, envoûtante. Ils sont respiration, ils sont musique aussi. Musique qui jaillit de moi et libère enfin toutes les musiques en attente dans mon âme.

Et me voilà, plongée, immergée totalement dans un monde de couleurs mélodieuses et de sons chatoyants. Entière.

L’envie, le besoin, et ce que la vie nous apporte.

Je rêvais de liberté, de m’envoler, de voltiger au gré des vents. J’ai reçu toi en cadeau. Tu m’as ancrée, et mes racines, profondes et puissantes, se sont épanouies, entremêlées au tiennes, pendant que mes branches dansaient dans les tempêtes. Ensemble, avec des parpaings d’amour et de l’intimité comme mortier, nous avons construit un foyer, empli de chaleur. Et c’est exactement ce dont j’avais besoin.

Aujourd’hui, je rêve de connexions sincères, de rires et de joie. De créativité, de partage, de découvertes. De liens solides, d’authenticité, d’émulation. Mais j’ai aussi envie de liberté, de légèreté, d’errer, flotter dans la brise, survoler le monde sans m’y poser.

Alors j’attends, pleine d’envies… Demain me dira sûrement ce dont j’ai besoin ce matin.

Déboussolés

L’Étoile Polaire regarde de tous côtés. Elle veut s’orienter et cherche le nord. Ne le trouve pas. Aucun indice autour d’elle. Elle brille de mille feux, mais, dans l’immensité de la nuit, elle n’a aucun repère. Tous les astres à qui elle pourrait demander conseil sont hors de portée, beaucoup trop loin d’elle. Alors l’Étoile Polaire, qui cherche sa place dans le ciel étoilé, se met en route, un peu au hasard. Elle avance, petit à petit, en tentant de garder un cap, même si elle ne sait pas lequel. Et la voilà partie, vaillante, brillante, illuminant tellement les ténèbres qu’elle discerne mal son horizon.

C’est ainsi que Joe, pêcheur solitaire, découvrit par le plus grand des hasard la grotte aux fées, à flanc de falaise, alors qu’il cherchait dans le ciel le chemin de sa maison. À l’heure qu’il est, il n’arrive toujours pas à croire en sa chance.

Esquisses

À tâtons, les yeux fermés pour commencer, dessiner tes contours. Repasser encore et encore les traits les plus saillants. Gommer, décaler des lignes au fil du temps, au fil des mots. Tracer sans cesse, les arabesques et les aspérités, reporter méticuleusement chaque détail à sa place supposée pour dresser ton portrait. Portrait en perpétuel ajustement, simples points à relier, puis croquis évanescent, caricature parfois, enfin viennent les couleurs, aquarelle ou pastel, et voilà le portrait qui s’étoffe, s’affine et gagne peu à peu en consistance.

Ouvrir les yeux et tenter de te faire coïncider à ton image. Le faire assez tôt pour modifier l’image plutôt que toi. Ne surtout pas te gommer, te lisser, mais bien compléter ce portrait, quitte à y ajouter quelques tâches, quelques ratures, de la texture, du relief.

Et quand finalement tu disparais, garder l’image, l’observer sous tous les angles, la comparer avec les portraits que d’autres ont de toi, scruter ton environnement en quête de détails jusque-là inédits. Compléter mon dessin, inlassablement, l’animer du mieux que je peux, puisque c’est tout ce qu’il me reste de toi.

Plonger en moi et, contre toute attente, y découvrir l’esquisse de moi que tu avais tracée. Rayonnante, pétillante, sublimée par ton regard. Un peu plus tout que moi : plus belle, plus intelligente, plus forte, plus patiente, plus sereine… Je la remets très délicatement à sa place, en moi, et la conserve précieusement, pour ne surtout pas l’altérer. Pour ne pas te perdre à tout jamais. Pour ne pas me perdre à tout jamais.

Shine bright

Sous l’incommensurable pression et dans les ténèbres des profondeurs, un diamant brut s’est formé. La matière éparpillée au sein de l’astre s’est rassemblée, condensée. Graduellement, soumise à cette incroyable pression, la matière a cristallisé. Jusqu’à l’obtention d’une quintessence, toute impureté lentement expulsée du cœur du joyau. Après un temps infini de cet inexorable traitement, le diamant est un, enfin. Dorénavant inaltérable.