Volcan apprivoisé

Bien sûr, j’ai mûri, j’ai grandi, j’ai vieilli, je me suis assagie. Mais toujours brûle au fond de moi la rage adolescente qui s’embrase au contact de l’étincelle. Celle qui m’emporte et me passionne, qui se réveille parfois de ses cendres sans qu’on comprenne bien pourquoi. Ce bouillonnement qui fait de moi un volcan explosif ou effusif, selon les circonstances. Inutile de chercher à étouffer les flammes, l’explosion serait ma seule réponse. Tant pis pour les dégâts collatéraux.

Tu pourrais très bien, tel le petit prince de mon enfance, m’apprivoiser et tirer de moi ton énergie. Je pourrais canaliser tout ce feu pour te réchauffer doucement. Je pourrais te procurer des spectacles pyrotechniques en partant de tout ce qui se consume en moi. Libre à toi de chercher la clé. Mais en aucun cas je ne serai facile d’accès. À toi de me mériter. 

Cette fille-là

Je suis cette fille qui butine sans penser au lendemain, gourmande de la vie, les sens en éveil. D’expériences en erreurs sans cesse recommencées, parce qu’après tout j’aime ça et que les remords sont tellement préférables aux regrets. Je suis cette fille qui tente, toujours, parce qu’on ne sait pas sur quoi on va tomber et que les bonnes surprises sont tellement agréables. Je suis cette fille qui vit, cette fille qui vibre, cette fille qui espère en tourbillons à chaque coup de vent. Peu importe l’échec, peu importe la fin, seule la route compte.

Je suis cette fille, amoureuse jusqu’au bout des ongles, qui sait la chance qu’elle a de t’avoir rencontré au cours d’une de ces expériences. Je suis cette fille, fidèle par amour, par respect, mais pas par principe. Je suis cette fille qui a trouvé un bout de bonheur plus gros que les autres, et qui essaiera de le garder, parce que c’est bien aussi, le bonheur. Je suis cette fille toujours avide de nouvelles expériences, qui espère les vivre avec toi, parce qu’il y a tant à découvrir en avançant plus loin sur la route. Je suis cette fille qui comprend bien la différence entre une connerie à tenter et une erreur à ne pas commettre. Je suis cette fille qui a intégré ton bonheur dans son équation personnelle et qui ne supporterait pas de te faire du mal.

Je suis cette fille qui essaie de concilier ces deux personnes, de les faire tenir dans sa petite enveloppe charnelle. Je suis cette fille qui te remercie de ta compréhension et qui apprécie grandement que tu ne cherches pas à l’amputer d’une partie d’elle.

Dix ans plus tôt

Tu me voudrais docile, je n’en fais qu’à ma tête. Tu me voudrais serviable, j’assure le strict minimum. Tu me voudrais reconnaissante, je n’oublie pas que comme nous tous, tu pensais à toi avant tout et les mercis que je peux distribuer ne te conviendront jamais. Tu voudrais que je sois ton faire-valoir, jamais pourtant tu ne pourras revendiquer ma réussite, elle ne t’appartient pas. Tu me voudrais souriante, j’offre ma joie de vivre à d’autres. Tu me voudrais pantin, jamais ma volonté ne m’a quittée pour te résister.

Tu auras beau essayer, tu auras beau crier, tu auras beau me forcer, je ne serais jamais celle que tu veux que je sois.

ADN en partage

Petite fille penchée sur mon berceau, tu m’as offert bien plus qu’un don de bonne fée. Un amour incompréhensible, inconditionnel, irraisonnable. Tu es là depuis le début, tu as vécu avec moi un bon nombre de premières fois : premiers sourires, premiers pas, premiers mots, premiers cauchemars. Tu as vu aussi pas mal des suivantes. Tu suis ma vie, je suis la tienne, on n’est jamais bien loin l’une de l’autre, pour se soutenir, se rattraper, se réparer. S’entraîner, s’élever, s’ouvrir.

On partage tellement plus que des fragments identiques de doubles hélices, que “des paires de gants, des paires de claques”, même s’il y en a eu, c’est vrai. Aussi bien des gants (et des T-shirts, des chaussettes, des jupes, des écharpes, des pulls, des chaussures…) que des claques (…). Si souvent tu as apaisé mes “peurs du noir”, et séché mes “joues mouillées”. Je t’ai rendu la monnaie et ai soigné ton cœur meurtri, t’ai poussée à assumer ce que tu voulais. Tu m’aides à y voir clair, tu me rends la vie ensoleillée. Je te sers de coach à l’occasion, je suis honnête parce qu’on peut se le permettre. Tu es ma béquille, je suis ton tuteur. Ou l’inverse. Et l’inverse.

On peut s’en prendre à la vie de nous avoir trop tôt séparées. Je peux aussi lui dire merci de nous avoir si intimement liées. Une complicité à toute épreuve, des retrouvailles débordant d’enthousiasme, aucune lassitude. Des embrouilles de gamines, du chantage, de la jalousie, des réconciliations, des fous rires, de la proximité, des chatouilles, des secrets partagés, de la télépathie. Tourbillon concentré sur deux jours, nous avons vécu toute notre enfance en accéléré. Pas de quotidien partagé, mais des rites inventés, pour faire oublier l’absence intolérable, pour faire déborder comme un raz de marée cet amour qui me parait durer depuis toujours et que je n’imagine pas perdre avant la fin.

Tu n’es pas “la moitié de moi”, tu n’es pas mon amie. Tu n’es pas un double, un miroir. Âme sœur s’il en est, tu es le roc inébranlable, inamovible, qui restera à mes côtés lorsque, les années passées, nous ferons le bilan de nos vies. Dans le chaos ou le monde stable que nous avons fabriqué, tu es ma seule certitude.

Bon gré, mal gré

Malgré toi, je reste de bon gré. Ta mauvaise humeur constitutive, tes manières, tes piques de mauvaise foi ne m’atteignent pas, je poursuis ma route en choisissant librement chaque intersection. Tu ne peux me miner le moral, tu ne peux obscurcir mon jugement. Tu ne peux me contraindre. Malgré toi, je garde la tête claire et amère sera ta défaite quand tu verras ma réussite en dépit de tes efforts acharnés pour me garder sous ta coupe. En apparence je serai la personne que tu crois, faible, malléable, soumise. Mais au fond de moi, bien loin de toi, je construirai mon armure, renforcerai mon squelette et ma force sera à peine contenue. Dans mes yeux, quiconque m’observera verra la rage de vivre, l’appétit de tout que tu ne sauras jamais m’enlever, qui m’appartient et me fait tenir debout. Je construis moi-même chaque brique de moi, à l’abri derrière le mur d’indifférence ou de mépris que tu m’offres en support.

À toi mon adversité, je dois la connaissance de mes capacités, ma force qui reste à mes côtés, sur qui je peux compter, bon gré mal gré. Un jour peut être, pour ça, je te remercierai.