Rencontres

Pour toi le séisme et sa déferlante. Pour moi les répliques et leurs tremblements après-coup qui font vibrer les tripes et les os. Et le bonheur d’être encore là pour les sentir, apprécier chaque instant après la vision flash d’un avenir sans toi.

Il y a des rencontres qui vous troublent, des rencontres qui vous bouleversent, des rencontres qui vous changent, des rencontres qui vous aiguillent vers d’autres possibles. Il y a la rencontre après laquelle situation initiale et finale s’emboîtent suite aux ajustements, aux questionnements, aux choix renouvelés. Certainement pas à cause d’une soi-disant facilité ou par un statu quo.

Il y a eu la notre, instants magiques en mémoire, instants passés qu’on relie chaque jour au présent. Il y a celles qui suivront, et peut être celles qu’on suivra parce qu’on ne sait jamais, la porte ne sera jamais fermée. Il y a toutes ces rencontres qui nous construisent, nous font avancer, nous rendent heureux, qu’on les vive ensemble ou pas. Et plus vivants que jamais, on sent jaillir l’unique en marge de la route qu’on suit à deux.

Jeux de main

Je ne te donnerai pas ma main. Que pourrais-tu donc bien faire de ma main?

Moi, je pourrais la glisser dans la tienne, petite patte menue réchauffée dans ta poche. Je la laisserai glisser sur ton corps, l’explorant, le caressant, le stimulant petit à petit.

Je ne te donnerai pas ma main. Pas de puzzle pour toi, tu auras tout ou rien du tout. Je ne t’offre qu’un corps entier, à toi d’en jouer comme tu le ferais d’un instrument pour créer d’exquises mélodies aux rythmes envoûtants. Pour toi j’accorde, j’harmonise, j’enveloppe nature en apparats et dispose le tout sous tes yeux amoureux. Les courbes que d’autres devinent, cachées sous le tissu, tu peux les dénuder, les regarder, les parcourir, les ajuster à ta guise. Tu peux faire vibrer la peau, virevolter les sens, m’entraîner dans ta danse, m’improviser, me déguster encore et encore et encore. Rien de nouveau cependant, je ne suis pas la première et sûrement pas la seule à vouloir m’offrir ainsi à toi. Mais un jour peut être, lorsque l’instant en douceur s’imposera, pour un temps ta Galatée, tu pourras remodeler mes contours, sculpter avec moi un nouvel être à venir.

Je garde donc ma main et te fais cadeau du reste, à toi de juger de la valeur de ce présent.

Transfiguré

Je l’ai vue entrer avant toi. Je t’observe alors que tu ne l’as pas encore vue. Je scrute l’instant où tu remarques sa présence, même si tu fais mine de ne pas bouger d’un poil. Tout en toi a changé. Chaque fibre de toi sourit, seules tes lèvres restent en place. Est-ce un redressement de quelques millimètres, un maintien à peine corrigé, un éclat dans les yeux? Tu es rayonnant, illuminé. Tu ne dis rien mais tout ton corps hurle ta joie de la savoir là, dans la même pièce que toi. Même elle s’en rend compte, première concernée supposée être aveugle. S’il n’y a qu’une personne à ne pas noter ton air béat qui fait mine de rien, c’est toi. Même tes cheveux s’embataillent pour te donner un genre. Ton corps te trahit pour livrer le message que tu ne pourras jamais lui dire, et qu’elle ne voudra jamais entendre. Ainsi, tout est reçu cinq sur cinq, la vie pour nous peut continuer.

Surimpression

Que je le veuille ou non, ton visage apparaît par-dessus tout ce que je regarde. Comme une persistance rétinienne qui ne veut s’estomper, je vois tes yeux bleus sur le tableau noir, tes boucles brunes sur la tête du présentateur télé et ton sourire qui illumine toutes les personnes que je croise. Douce obsession qui ne me quitte plus, j’entends ta voix, imagine nos dialogues si l’on venait à se croiser, par hasard, au coin d’une rue.

Je suis bien certain que ce n’est pas de l’amour, je te connais à peine. Déjà pourtant, je suis curieux de tout ce qui te concerne. Je rêve de te revoir, d’être près de toi sous n’importe quel prétexte, par tous les moyens je crée des occasions. Sur quoi cela va-t-il déboucher? Un fantasme filé que je laisserai glisser? Une aventure sans lendemain, consumée aussitôt consommée? L’histoire de toute ma vie, que je conterai un jour à mes petits-enfants? Peu m’importe, ici et maintenant, je recherche ta présence pour faire concorder quelques instants ce que voient mes yeux et ce qui reste accroché à mon cerveau, comme une tache fraîchement étalée en arrière plan. Éviter le flou artistique, cette impression irréaliste que la pellicule a déjà servi, que tu es la jauge à laquelle je mesure le monde.

Sans nom

Ne m’appelez pas fille facile, je suis si exigeante, si difficile à contenter, à garder. C’est bien pour ça que je teste, j’essaie un peu par ici, par là en essayant sans cesse de trouver un bout de bonheur. Ne me dites pas que coucher sans sentiments, c’est mal. Je prends mon plaisir où je veux, où je peux et c’est bien mieux comme ça. Les sentiments peuvent venir, s’ils veulent, je les accueille à bras ouverts, comme le reste. Ne pensez pas que je vaux moins que vous, pures, chastes, qui patientez en attendant de mettre le doigt sur celui qui vous élèvera plus encore, dans l’Amour. L’amour physique me contente et permet de passer le temps et parfois je m’élève, moi aussi, bien accrochée aux rideaux. Ne croyez pas que je vous vole vos hommes, je m’occupe de ceux que vous ne regardez pas, de ceux à qui vous n’osez pas parler, de ceux que vous avez déçus. Enfin, ne m’appelez pas catin, je ne monnaie rien, ne dois rien à personne et subviens à mes besoins sans mettre le grappin sur quelque bon parti.

Pourquoi vous dis-je cela, finalement, puisque vous ne m’appelez pas, ne me voyez pas, ne savez même pas que j’existe sinon dans votre imaginaire fantasmatique, comme un pâle reflet de ce que vous auriez voulu être.