Je t’aime, tu me passionnes, mais un jour, je le sais, je finirai par te quitter. À force de trop d’exigences, de sacrifices, de trop d’attentes jamais comblées, un jour je partirai. Je commencerai une nouvelle vie. Déterminerai un avant toi, puis notre histoire, et enfin un après toi. De plus en plus ingrate avec le temps, mes qualités ne te suffiront pas. Peut être que je manque de ténacité? À une époque que je n’ai pas connue, tu étais relativement facile d’accès. Il suffisait d’avoir du talent pour rester avec toi, s’assurer un avenir à tes côtés. Aujourd’hui, tu es tellement gourmande que j’ai peur qu’un jour tu m’engloutisses. Alors je sais que je te donnerai tout ce que je peux. Et que je te quitterai le jour où je serai à sec. Je trouverai un avenir plus radieux avec un partenaire moins exigent. Peut être que je te regretterai. Et peut être comprendrai-je qu’il n’y avait pas que toi dans ma vie. Quand tu auras tout fait pour que je parte, peut être que je te remercierai, me rendant enfin compte que ma vie sans toi vaut aussi le détour et que ton substitut est un bonheur à part entière.
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Lettres ouvertes
Attentes bafouées
Tu es venue quand on ne t’attendait pas, on pensait avoir besoin de toi. Tu as bien fait attention à lister nos envies, nos attentes. On était ravis, on était aux anges, que quelqu’un vienne prendre les choses en main.
Comme souvent dans la passion, cela n’a pas duré. Au lieu de nous dire tout simplement que tu ne pourrais pas, tu as essayé d’intégrer nos projets et les tiens. On a cru qu’on avait des intérêts communs.
Et puis, petit à petit tu as tout piétiné. Tu as foulé aux pieds nos projets, tu as ramené le tien. Tu attendais des choses de nous sans nous le dire, on attendait de toi que tu prennes ta place. Tu ne l’as pas fait. La confiance sans borne qu’on t’avait accordé d’avance est devenu un petit feu follet qu’il fallait entretenir. Tu ne l’as pas fait. Il n’en reste plus rien sinon son négatif, une méfiance aveugle qui peu à peu se transforme en défiance. Sans cohérence, tu passes d’une idée à l’autre et tu veux qu’on te suive sans savoir où on va. Tu oublies qu’on est amateurs, tu oublies qu’on voulait avant tout s’amuser. Être au top ne faisait pas partie de nos ambitions. Les tiennes sont démesurées, et tu ne t’en donnes pas les moyens. Tu mets la barre tellement haut que nous savons tous qu’on ne l’atteindra pas. Quelle importance maintenant?
Alors bon gré mal gré, je me force à poursuivre. Non pas pour toi, ni même pour moi, je sais que je trouverai mon plaisir ailleurs. Mais pour les prochains, pour garder le peu de crédibilité qu’il nous reste et faire en sorte que les suivants n’aient pas à payer pour les erreurs de leurs prédécesseurs. Pour rendre l’ardoise nette, en quelque sorte.
Indifférence ordinaire
Maintenant que tout est préparé,
Maintenant que les tâches sont listées, disséquées, aplaties,
Maintenant qu’il n’y a plus qu’à,
Vous allez fournir le petit effort qui vous mènera à la concrétisation. Vous pourrez alors fermer les yeux. Dormir sur vos lauriers. Vous congratuler. Jouer les faux modestes. Non, ne me remerciez pas, ce n’était pas tant que ça, c’est bien normal.
Vous pourrez oublier ceux qui, pourtant visibles, pourtant bien là, ont pré-mâché le travail. Ceux qui petit pas après petit pas, ont aplani chaque difficulté. Ceux qui ont donné. Qui auraient bien attendu en retour, mais sont restés les mains vides. Abnégation forcée. Il est vrai qu’on ne voit que ce qu’on veut. Autant dire qu’on ne savait pas ce que ça représentait, ces heures ingrates de démarches diverses, ce projet porté à bout de bras alors que l’intérêt personnel n’y était pas. Tellement facile de lister tous les problèmes, tellement rébarbatif d’être toujours rappelés à l’ordre. Après tout, personne ne l’obligeait à le faire. C’était son choix. Ne nous donnons pas mauvaise conscience, nous avons rempli notre part du travail.
Le cordonnier et les lutins
Vous ne me voyez pas, mais sans moi, vous seriez bien peu de choses. Je ne suis pas professeur, ingénieur, directeur ou manager. Je n’ai pas de grandes idées mais je sais bien exécuter. J’ai ma petite routine, toujours les mêmes gestes, afin que tous les matins la place soit prête pour que votre génie s’emballe et s’élève. Je prépare tout ce qu’il vous faut. Je nettoie votre matériel. Grâce à moi, vous n’êtes jamais à court de rien. Je vous évite tous les petits tracas (pas de papier, plus d’encre, il manque un bescher, la poubelle déborde encore, et tout ce qui pourrait vous obliger à vous salir les mains). Je me lève avant vous et vérifie que vous passerez une agréable journée, tout comme votre mère préparait pour vous la table de votre petit déjeuner lorsque vous étiez marmots.
Vous ne me voyez pas et pourquoi le feriez vous? Lorsque tout fonctionne, tout est si normal pour vous. Dire merci ne vous coûterait rien, c’est vrai, mais vous n’y pensez pas. Est-ce que l’on remercie le soleil de se lever le matin pour nous éclairer? Est-ce qu’on remercie notre voiture lorsqu’elle nous transporte sans encombre d’un point à un autre? Non, bien sûr. Je ne peux pas vous en vouloir. Je suis payé pour vous être utile. Pour être fonctionnel. Et pourtant, des fois, je rêve. Un regard. Une reconnaissance. Qui me rende le labeur plus léger.
Pas ce matin
Douceur du matin quand le réveil sonne et que je peux, encore un peu, me coller contre toi pour profiter de ta chaleur. Pas ce matin. Tel un chat, je m’étire, vocalise et me love dans tes bras. Pas ce matin. La caresse rapide et le bisou du bout des lèvres pour bien commencer la journée. Pas ce matin.
Ce matin c’est le lit froid, ta place vide et moi pelotonnée en boule dans mon coin. Ce matin, après mon premier réflexe câlin, c’est le souvenir de toi t’en allant dans le soir qui me claque en pleine face. Ce matin c’est le premier d’une longue série de matins où je vais devoir réapprendre à émerger seule, à affronter ma journée et ton absence. C’est ma vie sans toi qui commence ainsi par un matin chagrin.