Srange attraction

Attraction brutale. Dès la première rencontre, être comme en équilibre sur le fil de ses lèvres, vouloir étirer le temps comme un fil de caramel fondu. Avoir conscience de chacun de ses gestes, se rendre compte de l’intérêt suscité par un mot, une posture, une inclinaison de tête. S’en mettre plein les yeux avant le fatal “finalement non”, les manies découvertes, l’humanité et la banalité retrouvées. Savoir que le corps vibre, là, à ce moment précis, même s’il n’y a rien de profond ou brûlant au creux du ventre ou au fond du coeur. Ne pas comprendre pourquoi cette personne, maintenant, alors que tant d’autres sont objectivement plus près des canons de beauté. Se laisser surprendre par une présence, un regard, un charme dont on ne savait même pas que l’on pouvait y être sensible. Apprécier l’instant, avant de reprendre sa vie là où elle ne s’est pas arrêtée, en gardant dans un petit coin de son corps la mémoire de cette étrange attirance.

Pâtisserie

Qui nous oblige, un beau jour, à rentrer dans le moule? Pourquoi ne pas continuer simplement à danser en pleine nuit au milieu de la route? Comment passe-t-on de “jeune fille en fleur” à “vieille folle qui ne tient pas en place”? Les occasions qui filent, les tabous de nos amis, notre fatigue latente croissante nous font maintenant soupirer devant cette bande de greluches qui rient un peu trop fort. On se replie, la musique dans les oreilles, les yeux bien cachés derrière le journal. Est-elle si loin l’époque où on ne ratait pas l’occasion de faire le pitre dans le métro?

La faute au temps qui passe? Nos vies qui nous absorbent? Qui nous a malaxés jusqu’à faire de nous une pâte bien homogène, sans grumeaux, prête à être enfournée pour régaler les enfants?

Vingt-huitième jour

Encore un jour.

Je contemple ce gâchis, le sang répandu, qui n’est pas toi.

Qui ne sera jamais toi.

Cela fait longtemps que je te guette, que je cherche un signe de toi. Ici peut être la courbe d’une lèvre qui se retrousserait en un sourire. Là l’esquisse d’un poing fermé bien serré en dormant. Ou encore une trace laissée sur les draps par ton corps tout chaud.

Mais tu n’es pas là. J’ai beau attendre, tu ne viens pas. Seulement ce sang qui me nargue et me fait mal à l’intérieur, au plus profond de mon essence. Je reste seule avec lui, qui certainement t’attend aussi.

Tu n’es pas là pour nous lier, nous rassembler, nous ressembler. Nous restons morceaux épars, simples personnes qui se côtoient, poursuivant nos vies l’un contre l’autre. Et toi, chaînon manquant, quand te glisseras-tu entre nous pour cimenter nos mains entrelacées?

Le temps emporte l’âge

Petit à petit, le temps tire sur la corde. Un jour, c’est sûr, il gagnera. En attendant, il emporte chaque jour un peu de nous, et on ne s’en rend compte qu’en ces occasions plus ou moins festives où le temps nous emporte un an d’un coup.

Petit à petit, le temps nous pousse de l’avant. Il remplit notre bagage de souvenirs, d’expériences, de vécu. Il sait se faire apprécier, le temps qui passe… Il nous distille au compte goutte ses petits moments, douceurs et liqueurs de vie, simples amuse-gueules qui nous font espérer le dessert.

Mes nuits noires et blanches

Noires comme l’encre, facile métaphore pour parler de mes nuits, ces nuits où le black out est total, nuits presque oppressantes que je passe blanches. Incapable de fermer l’œil par une nuit sans lune, sans lueur, sans chaleur, mes nuits noires sont blanches et je fais les cent pas. Je rêve que je ne dors pas, que je me retourne encore et encore dans mon lit, que je compte les minutes et sans cesse, en me réveillant, je ne peux croire que j’ai dormi, finalement. Au matin, mes muscles ankylosés et les cernes sous mes yeux témoignent de la nuit blanche que je viens de passer même si mon corps a fait des siennes, bien malgré moi… Dans l’aube grise je me retrouve et je chasse rapidement le souvenir de ces nuits noires et blanches.