Quand il est seul, que son esprit vagabonde, qu’une pause s’impose dans le fil de ses pensées, il entend des murmures à son oreille. Une voix très douce lui promet mille choses, lui tient compagnie et lui offre une autre vision du monde. Un monde où il serait compris, un monde où tout serait envisageable. Cette voix lui sussure d’autres possibles quand son quotidien s’enroutine. Parfois il tente de recouvrir cette voix de musiques, parfois il se laisse engloutir, plonge tout entier dans cet océan fantasmatique.
Par-delà le vacarme fracassant de sa vie frénétique, des images stroboscopiques s’imposent à son esprit. Des dizaines de vies en simultané, aucun choix à faire, tout vivre, tout, le meilleur comme le pire et faire le tri à posteriori. Pas de questions à se poser, “et si j’avais”, “vaudrait-il mieux” ? À chaque instant jouir de cent ans, sans remords ni regrets. Parfois elle oublie qu’elle n’en a qu’une, de vie. Que chaque décision a quelques conséquences. Elle gère, de toutes façons. Comme si ça n’avait pas d’importance. Quoi qu’il en soit, elle prend chaque virage sur le sentier, essaie de profiter pleinement de son temps, moyen pour elle de le multiplier. Sans perdre de vue ces vies parallèles qui défilent dans le rétroviseur, des fois qu’elle soit tentée de couper à travers champs. Ces milliers d’images sont autant de soupapes. Si elle est là où elle est, c’est que c’est la meilleure place qui soit, non?
Côte à côte, ils avancent cahin-caha sur la route qu’ensemble ils tracent. Leurs mains réunies apaisent les voix, ralentissent les images. Les envies d’ailleurs s’estompent pour un temps devant l’histoire en devant de scène, deviennent le bruit de fond valorisant par contraste l’action principale. Les nécessaires parasites sans lesquels le film de leur vie leur paraîtrait plutôt fade, prévisible ou linéaire.