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Il erra longtemps dans les égouts, trois jours ou dix minutes, il ne le sut jamais, et pour un chat transi de froid, affamé et apeuré, cela revient au même. Au bout de quelques fragments d’éternité, le tunnel où il déambulait déboucha à l’air libre. Méfiant, il sortit avec prudence, mais quand il vit qu’il était dans une forêt, sans humain en vue, il fut soulagé. Très vite, il trouva un abri sous les racines d’un arbre arraché. Épuisé, il se roula en boule dans les feuilles mortes et s’endormit.
Une odeur de champignons grillés, avec un soupçon de pain perdu, le tira de son sommeil. Intrigué, il inspecta les environs, et tomba nez à nez avec une bestiole très bizarre, visiblement en train de prendre un petit déjeuner. Cet énergumène était inconnu de Joe, pour qui l’ornithorynque était un animal de fiction, au même titre que le sphinx ou l’Hydre de Lerne. De loin, la bête ressemblait franchement à un canard. Tout y était : les courtes pattes palmées, le cou très flexible, la toute petite tête avec un bec aplati jaune-orangé, la forme globale du corps… Tout, sauf qu’à la place d’un plumage coloré, la bête était parée d’un pelage façon bobtail : de longs poils gris emmêlés sur tout le corps avec une frange qui lui retombait sur les yeux. Et qu’elle cuisinait au petit matin une poêlée de champignons des bois sur des toasts imprégnés de lait de biche, en sirotant un verre de rosée.