Pour avoir le début de l’histoire, c’est par ici.
Joe voulait éviter la cohue. Au ras du sol, avec Pierre-Henri fiévreux, souvent inconscient, parfois délirant (c’est à dire cancanant à qui mieux mieux, pour quiconque ne comprenait pas son langage), il était dangereux d’attirer l’attention. Il fallait donc attendre le soir, laisser passer l’heure de pointe sans pour autant rater le dernier train. Ils attendirent donc, cachés tant bien que mal dans les massifs de la place Gallieni.
Vers 22h, une ronde de routine de la police rendit momentanément les abords de la gare déserts. Joe courut ventre à terre, Pierre-Henri brinquebalé sur son traîneau, en direction de l’entrée de la gare. Les mésanges faisaient le guet et du repérage, elles indiquèrent in extremis un détour pour passer directement sur les quais, sans passer par le hall : il fallait simplement couper par la gare routière. Quand ils furent presque au niveau des quais, un sans abri les aperçut et les interpella, souhaitant un peu de compagnie. Il attira l’attention d’une chauffeuse de car, qui fumait à la porte de son véhicule. Joe se tapit sous un car, mais le moteur commença à vrombir. Terrorisé, il n’entendait plus les mésanges qui pépiaient. Prenant son courage à quatre pattes, il se précipita entre les roues arrière du car juste avant que celui-ci ne manœuvre et se rua vers les quais, pour trouver une grille qui bloquait le passage. Désespéré, tétanisé, Joe n’était même plus en état de chercher une solution. C’est alors qu’arrivèrent deux gros rats, appelés en renfort par les oiseaux. Ceux-ci l’amenèrent à un tunnel spécialement aménagé par leurs soins pour se faufiler sous la grille. Ils l’aidèrent à traverser et lui précisèrent où se poster pour être en face d’une porte à l’arrivée du train. Lorsque le train s’arrêta, Joe et Pierre-Henri purent ainsi monter sans encombre. Infiniment reconnaissant, Joe promit aux rats de militer auprès des félins et même des canidés pour une bonne entente avec les rongeurs, et allongea de dix ans la période sans chasse à la mésange.