Un pas devant l’autre, il glisse sur la vie, la tête haute, la démarche posée. Le regard à l’affût, il observe toutes choses, assuré d’être au milieu du monde. Pas avec le monde. Au centre de celui-ci, tel un roc écartant les flots qui passent encore et toujours à ses côtés, l’érodant à peine sous la pression. Par mimétisme, il s’intègre parmi ses semblables, répond de manière adéquate à chaque stimulus. Pour l’examinateur non attentif, il a une personnalité forte, il est plein de ces qualités qui font de vous un ami fiable.
Sauf que. Il est vide en dedans, ne ressent pas les choses, ne comprend pas les passions humaines. Il pleure parce qu’en certaines circonstances, c’est attendu. Il sourit pour marquer un rite social. Ses rires, parfois communicatifs, ont souvent une demi-seconde de décalage. Il est ce qu’on attend de lui, ne sait pas ce qu’il attend de la vie. Son passage sur Terre est de l’art dramatique, performance d’acteur de longue haleine, jamais récompensée. Il ne ment pas vraiment, ne cache pas ses sentiments, seulement le néant qui l’habite sans même le ronger. Anesthésié émotionnellement, il a toutefois d’assez bons yeux pour faire diversion. Il fait comme tout le monde, qui s’en contente très bien.