Frissons

Pelotonnée sous sa couette, elle tente tant bien que mal de se réchauffer. Elle frotte ses bras et bouge ses jambes afin de produire quelque chaleur qui pourrait s’emmagasiner entre ses draps. Elle sent un léger courant d’air, venant de la fenêtre qui lui paraît si fine, et ne peut empêcher un long tremblement de parcourir tout son corps, partant de son cuir chevelu et se perdant au niveau des mollets. En claquant des dents, elle bouge de plus belle au fond de son lit.

Le jeune garçon rentre seul de l’école jusque chez lui. Les mains serrées sur son cartable, il avance le plus rapidement possible, sachant qu’il a déjà trop traîné à la sortie de l’école. Si ses parents sont là tous les deux, il a peut être une chance de passer inaperçu, mais si son père n’est pas encore rentré, il va avoir droit à un sacré savon. Il presse encore un peu le pas, et regarde la rue devant lui. Il voit alors au coin de la rue les trois terreurs du quartier. Gémissant intérieurement, il tente de se faire le plus petit possible, et ralentit un peu pour ne pas avoir l’air d’avoir peur d’eux. Il avance en fixant un point devant lui sur le trottoir et espère qu’il s’en tirera cette fois-ci. En passant devant les trois grands, il fait tout son possible pour ne pas lever les yeux sur eux. Il sent alors tous les poils de sa nuque se hérisser, presque un par un, et prie de tout son cœur pour que ce soit pas une mauvaise prémonition.

Marc et Julie se sont donné rendez-vous à 17h30, à la sortie des cours. Ils vont rentrer ensemble, et peut être même se tenir par la main. Ils ont attendu ce moment tout l’après midi, depuis que leurs petits messages glissés de main en main ont été échangés et que tout soit clair entre eux. Julie arrive à l’heure, Marc la rejoint cinq minutes plus tard, légèrement essoufflé : le professeur voulait lui parler en tête à tête, et il s’excuse de son retard. Après un instant de flottement, ils sourient timidement et prennent la direction de leur quartier. Marc, le cœur battant à tout rompre, tente sa chance et effleure la main de Julie. Celle-ci ressent comme une décharge électrique, mais ne retire pas sa main. Ils marchent ainsi quelques minutes encore, décident de s’arrêter dans le parc près de chez eux. Là, ils s’assoient sur un banc, regardant tous les deux au loin, gênés, mais se tenant encore la main. Au moment où Julie tourne la tête en direction de Marc, il se met à tousser. Elle détourne alors les yeux, déçue. Marc se sent misérable et lui lance un coup d’œil, mais elle ne le voit pas. Il voudrait prendre son courage à deux mains mais n’ose pas dire un mot. Il se dit que c’est maintenant ou jamais, et alors, comme dans un film au ralenti, il lâche la main de Julie, lève son bras et le passe autour des épaules de la demoiselle. Il espère très fort qu’elle ne remarque pas sa maladresse. Elle ne réagit pas, trop troublée pour faire quoique ce soit, elle a trop peur de briser l’instant mais n’arrive pas à lui faire comprendre qu’elle apprécie vraiment son geste, et qu’elle l’attendait. Marc, ne se sentant pas repoussé, caresse le cou de Julie, avec ce qu’il pense être de la douceur. Julie frissonne, son tout premier frisson de plaisir. Marc, pensant qu’elle a froid, la tient un peu plus serrée contre lui.

Il se ballade tranquillement, flânant dans les rues pour passer la demie heure qu’il a devant lui avant de reprendre le travail. Il croise une jolie jeune fille (peut être un peu trop jeune pour lui, mais qu’importe), lui sourit. Elle ne le remarque pas, mais là aussi, peu importe, il est de bonne humeur aujourd’hui. Il laisse son regard glisser le long des vitrines. Il passe devant une librairie, regarde les livres pour enfants, puis un magasin de chaussures, une boulangerie (il se prendrait bien un beignet, mais il a déjà bien mangé ce midi), un tabac-presse, une pharmacie. Il soupire devant la publicité vantant les mérites de la nouvelle crème anti-cellulite, et là, horreur, son regard est accroché par cette image détestable montrant un ongle à moitié pourri avec une immonde bestiole, devant symboliser un champignon, en train de le soulever pour passer dessous. Il tourne vite les yeux, mais c’est trop tard, l’image a passé le filtre de son cerveau. Il ne peut réprimer le frisson de dégoût qui s’empare de lui. Il continue de flâner, évitant désormais de fixer les vitrines, et regarde les passants.

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