Ils vécurent heureux et n’eurent pas d’enfant. Ils ne se marièrent même pas, ne se firent pas de promesse et ce n’est pas pour autant que leur histoire ne vaut pas le coup d’être narrée. Ils se sont rencontrés, se sont aimés, se sont confiés, ils ont bâti leur vie à deux, voguant de projet en projet, sans s’ennuyer un instant. Peut être se sont-ils séparés, peut être sont-ils encore ensemble à l’heure qu’il est. Peu importe. Au fond, est-ce si important, quand on s’aime autant, de s’aimer éternellement ? Toujours est-il qu’ils vécurent heureux ensemble et ne cherchèrent pas à se poursuivre dans des hybrides mi-lui mi-elle. Ils ne transmirent pas leurs gènes et leurs valeurs à de pauvres êtres sans défense. Ils ne touchèrent pas les allocs. Ils ne choisirent pas de prénom ni ne peignirent de chambre en pastel. Ils ne dirent pas à leurs amis, les cernes jusqu’au menton, à quel point ils étaient transformés ni à quel point leur vie prenait du sens maintenant qu’ils n’avaient plus de têtes-à-têtes. Ils ne partirent pas cinq ans de suite en village-vacances et ne cherchèrent pas de baby-sitter pour la St-Sylvestre. Ils ne paniquèrent pas à la perte d’un doudou ou d’une ‘tototte. Ils ne traitèrent personne d’ingrat et ne connurent pas chaque médecin de garde des urgences pédiatriques. Ils n’apaisèrent pas les terreurs nocturnes de petits bouts désorientés. Ils n’eurent pas de colliers de nouille ou de cadre photo en pâte à sel.
Ils considérèrent qu’il y avait bien assez de ciment entre eux pour ne pas se servir de bébés-mortier. Ils voyagèrent. Ils firent des rencontres. Ils vécurent comme bon leur a semblé. Ils se baladèrent dans les méandres de la vie, main dans la main et goûtèrent le suc de chacune de leurs expériences. Et s’ils n’eurent pas de petits-enfants à qui raconter leurs années de plénitude et de passion, ça leur fit une belle jambe. Ils trouvèrent quelques oreilles attentives auprès de leurs amis, quand leurs enfants à eux furent partis et qu’ils errèrent alors dans leurs maisons bien trop vides et silencieuses.
Superbe texte ! Même si je ne commente plus souvent, je lis toujours autant :)
J’ai pas écrit beaucoup ces temps-ci (enfin, si, mais pas ici), contente de voir que certains sont toujours à l’affut (ou bien merci netvibes, je ne sais pas). Ravie de te revoir en ces lieux, j’ai vu que ça bougeait aussi du côté de chez toi, je passerai y faire un tour…