Toutes les semaines, dans le plus grand mystère, il s’éclipse et ne dit à personne où il va, ni ce qu’il fait. Ses parents le cherchent alors, souvent une bonne heure avant qu’il ne réapparaisse pour entendre l’inévitable leçon de morale. Mais toujours il recommence, de manière totalement imprévisible. La seule façon de savoir où il est serait de le garder sous clé ou au bout d’une ficelle, comme un ballon d’hélium.
Toujours ses parents essaient de lui arracher un mot, un indice sur ce qu’il faisait, où diable il avait bien pu partir. Menaces, chantage, larmes parfois. Rien n’y fait. Silence radio, les yeux vers le sol, il ne lâche rien. Le soir dans son lit, il s’autorise à confier à sa grenouille en peluche ce qu’il a fait pendant son heure de vagabondage.
La grenouille, muette, ne répétera rien. De toutes façons, elle ne voit rien d’extraordinaire dans les “aventures” du petit garçon. Il monte bêtement au grenier pour être seul, il s’assoit dans un coin et il s’invente des histoires. Il pourrait aussi bien le faire n’importe où. En plus, c’est même pas une bêtise. C’est même pas interdit, ce qu’il fait caché comme ça. Pour ce qu’elle en voit, c’est complètement stupide d’essuyer à chaque fois les colères parentales pour un truc autorisé.
Pauvre grenouille, elle ne comprend pas le goût du secret. La sensation de pouvoir tout faire et de ne faire que ce qu’on aime, là, caché de tous. La quasi-euphorie qu’il y a à savoir que tout le monde le cherche et peste alors qu’il est sage comme une image et n’a même pas quitté la maison. La sensation d’être pour une heure le maître de son univers. Et la fierté de ne jamais céder à la facilité en déballant son si petit secret.