Je la devine partout. Sans la voir, je sais qu’elle est là. Là, c’est certain, mais où? Invisible à mes yeux, je scrute son reflet dans les tiens. Sa forme en filigrane, presque palpable, est juste là, entre nous. Je l’imagine passer par-ci, par-là. Ce sourire est-il pour moi ou pour elle? Sous la façade inébranlable, la paranoïa craquelle l’édifice. Insaisissable, je la sens pourtant omniprésente. Panique à bord : saurai-je résister à sa perfection, mes atouts usés pourront-ils rivaliser avec son charme? Fantasme ou réalité, instinct, pressentiment ou sensibilité exacerbée, je ne peux trancher mais mon cœur s’emballe. La terreur me plombe les ailes, me transforme en une sombre imposture qui pourtant me ressemble, elle me gomme et m’efface petit à petit, ne laissant que l’ombre de moi sur le côté.
Impossible pour cette ombre de se battre contre un moulin à vent. Cependant, quel gâchis ce serait que de déclarer forfait devant un mirage… Peut être faudrait-il que j’écarte pour un temps mon imparfaite humanité, que je laisse les humeurs qui me remplissent à craquer déborder et couler pour lentement m’évacuer. Devenir moi aussi irréelle, idéale, pour me hisser vaille que vaille, remonter à son niveau, garder ma place.