Son boulot, c’est barman. Vie décalée, il part travailler quand on va se détendre en terrasse. Il prépare ses cocktails, fait un peu de service, il surveille la salle et apaise les tensions, il est un peu psychologue, un peu dragueur. Il profite de sa position et fait en sorte que les clientes se sentent importantes. Il sait vendre. A l’occasion, il roule des mécaniques pour intimider un gars un peu lourd, veille à ce que tout reste en ordre dans “son” bar. Il anime les soirées, sait se mettre en scène pour les gros évènements, il a conscience qu’il représente l’image du bar en toutes circonstances.
Le soir, après le service, il boit un verre avec ses collègues. Il sort en boîte, paie rarement ses consommations tellement il est connu dans le milieu. Il considère que nombre de ces soirées font partie de son travail, pour entretenir le réseau social de son patron, pour promouvoir l’image de son bar. Même quand il boit un verre en terrasse, il travaille dans sa tête, commente le service, la qualité des cocktails servis, le standing de l’établissement et les prix pratiqués. Il vit dans un autre monde que le mien, à un autre rythme que le mien. Si l’on ne s’était pas connus avant, on ne se serait sans doute jamais vus. Peut être juste croisés au coin d’une rue, moi partant travailler, lui rentrant se coucher. On serait passés à côté l’un de l’autre, alors que derrière ses manières parfois cavalières, je sais que c’est quelqu’un de bien. Et je suis contente qu’il fasse partie de ma vie.