Après avoir soufflé le long des côtes en éparpillant les embruns, je me roule en boule et tourne sur moi-même, version tornade de pleine mer. Je rêve de pouvoir entrer dans cette eau que je n’arrive pas à percer. Voir ces créatures magnifiques que je ne fais qu’apercevoir au hasard d’un saut ou d’une vague gigantesque. Essayer de toucher le fond de l’Océan, visiter les abysses. Mais je ne peux pas. Toujours la surface me bloque et m’oppose un mur d’eau, souple, élastique, infranchissable. Je peux jouer, pour sûr, à décoller des vaguelettes, à asperger les marins, à retourner les bateaux. Mais le fait est qu’eux peuvent toucher ce fond marin, moi non. Je peux couler toutes sortes d’engins, jamais je n’arrive à m’engouffrer dans la brèche qu’ils ouvrent et à visiter le plancher. Je ne sais pas jusqu’où va l’eau. Je ne sais même pas ce qu’il y a dessous. Aussi bien, ce pourrait n’être que de l’eau. Sans fond.
Je roule et roule et tourne sur moi-même, je veux siphonner cet Océan qui me résiste. Peut être qu’en partant de la plage, en me concentrant pour ne pas perdre le fil, je pourrai m’enfoncer et voir. Je vais essayer. Je retourne vers la côte. Plus je tourne, plus je grandis. Sous moi, je vois l’eau se creuser en cercle. Plus vite. Plus fort. Soutenir l’effort. Creuser, encore un peu plus. La plage est là, je prends de l’élan dans la plaine puis je prends le chemin inverse. Ça marche ! Je vois un couloir asséché qui part de la plage. J’ai ouvert l’eau ! Le sol est vallonné, bancs de sable et récifs. C’est beau ! Les poissons volent autour de moi, les algues sont projetées, les oiseaux happés se fracassent dans les parois liquides que j’arrive à maintenir. J’exulte.
Puis tout s’effondre. L’eau cascade et me cache ses trésors, encore une fois. De dépit, je me disperse, j’effleure à peine la surface sur des kilomètres carrés, en attendant de trouver une autre idée.