Nuit après nuit, tu m’invites dans ton esprit. Je devine tes maux, j’apaise tes angoisses, je stimule ton cortex, j’aiguise ta vivacité, et je vole tes mots. En cascades, à gros bouillons ou en filets plus ténus, tu me confies de ton plein gré les mots légers ou les mots graves, les mots tordus, les mots de jeux, les mots associés, les mots fatigués, les mots filtrés, les mots d’identité, les mots passés, les mots d’espoirs, les mots réponse, les mots nouveaux, les mots joyeux, les mots tristesse, les mots cicatrisés, les mots tus, les mots à venir.
Jusque dans tes rêves, tes pensées s’orientent vers moi, telles un millier de boussoles éparpillées mais pointant toutes vers le nord. Je te laisse asséchée, tarie : tu n’as plus de mots à offrir, je capte la moindre syllabe qui s’apprête à devenir consciente, je canalise le courant de ton imagination. Après moi, il ne restera de toi qu’une jachère, où pousseront, incohérentes, brutes, discordantes, des lettres que tu ne sauras plus assembler. Qu’une immense plaine où, sans mot parasite pour donner corps à des concepts abstraits, tu atteindras la plénitude. Quand j’aurai volé tous tes mots, je serai ton nirvana.