C’est le début de l’été, et le moustique vient de convoler en justes noces. Avant que sa dulcinée ne commence le travail, il entend bien partir en voyage de noces. Il a déjà tout prévu, le voyage sera plaisant. Il faut savoir que chez les moustiques, ce n’est pas tant la destination du voyage -qui est somme toute aléatoire- qui compte, mais le voyage en lui-même. Et le choix du moyen de transport est primordial. Si l’on veut voir du pays, il faut choisir un globe trotter, mais un globe trotteur mal organisé, qui n’a pas d’arme de pointe contre les insectes nocturnes suceurs de sang. Si l’on veut rester en vie et profiter à deux du voyage, il faut éviter les gens qui partent trop au nord où il fait froid, les empoisonneurs, les prévoyants, les fumeurs qui ont si mauvais sang… Le mieux est un enfant sans défense, soit manchot, soit très jeune et avec des mouvements désordonnés. Le moustique a repéré une colonie d’enfants handicapés qui doit partir une semaine dans les Pyrénées. C’est parfait pour eux, ça… Ils ne connaissent pas la montagne, ce sera l’occasion. Pour économiser leurs forces, il leur suffira de se poser quelque part dans le minibus, et le bruit du moteur couvrira leurs envolées coquines. Presque aucun risque de se faire prendre, des vacances en toute sécurité.
Lorsque tout est parfaitement au point, le moustique court prévenir sa belle de son programme si parfait. Au moment où il la voit, il comprend que tout est fichu. Il a été trop enthousiaste la nuit de ses noces, la belle est déjà enceinte (il comptait sur le voyage pour s’occuper de cette triste formalité). Et comme tout le monde le sait, la femelle moustique enceinte fuit le mâle comme la peste, préférant se gaver de sang pour mériter la médaille de la meilleure mère qui soit. Le moustique prend sa décision en un instant. Il partira seul en voyage, ce sera l’occasion, qui sait, de trouver une nouvelle amante, attirée par les proies faciles dont il sera entouré.