Samedi soir. L’éléphant regarde sa montre et soupire. En un battement de cils, la journée s’est enfuie. L’éléphant grogne en remontant méticuleusement la pendule.
Samedi matin. L’éléphant regarde sa montre et s’étire. La journée s’étend devant lui, l’invite à la rêverie, à la jouissance et à la procrastination. Son agenda vide, le ciel morne et la chaleur de sa couette l’attirent irrésistiblement. Mais l’éléphant n’a pas oublié, il a déjà vécu de telles heures.
Samedi midi. L’éléphant regarde sa montre et jubile. Il a été d’une efficacité remarquable dans l’art d’évacuer toutes ses tâches en attente. Non pas qu’elles aient été urgentes, mais il sent qu’il a participé au grand tout, qu’il a changé l’ordre des choses. L’éléphant est conscient de son importance, de son empreinte sur le monde. Même si d’autres pourraient considérer qu’il a seulement vidé les poubelles.
Samedi soir. L’éléphant a perdu sa montre cet après midi. Profitant d’une pause entre deux averses, il est sorti flâner. En admirant la lumière quasi-vibrante de ce plein après-midi lavé à grandes eaux, il a percuté une souris en trottinette. Badaboum, il a fini les quatre fers en l’air, expédiant en un large mouvement sa montre à l’autre bout du quartier. La souris paniquée s’est empressée de s’excuser. Comme tout le monde allait fort bien, il s’est risqué à inviter la mignonne à boire un verre.
Ce qu’il advînt dans la nuit de samedi à dimanche, nul ne le sut, car l’éléphant, usant et abusant de la pendule du salon, ne permit jamais à l’aube du dimanche matin de réveiller la belle pelotonnée entre ses bras.