L’espace de trois pas dans ma journée, je vous croise et vous regarde franchement. J’espère de tout mon être que les mots coulent directement de mes pupilles aux vôtres, sans passer par le langage que je ne prends pas souvent le temps de dérouler. Entre deux battements de cils, je vous crie muettement “Vous existez ! Mesdames, Messieurs, vous existez. Je vous vois, je vous salue du coin de l’œil. Voyez, vous existez”. J’espère que vous arrivez à ne pas l’oublier. Parfois je me pose la question quand je vous vois vous recroqueviller, tenter de vous invisibiliser pour passer entre les gouttes d’indifférence qui vous aspergent à chaque crue de la marée humaine.
Alors quand je vous donne un “Bonjour Monsieur” ou un “Bonne journée Madame”, j’espère présomptueusement vous ajouter une couche de consistance. Avant que vous ne désexistiez aux yeux du monde, que vous ne perdiez votre reflet dans le miroir. Vous existez, n’en doutez pas. Et il y a encore des adultes qui ont des yeux, directs descendants de ces enfants qu’on tire par la main pour leur apprendre à ne plus vous voir. Ça ne vous nourrira pas ce soir, mais qui sait, peut être que ça vous réchauffera l’espace d’une seconde dans votre longue journée…