Dans ma famille, on me dit que je suis de la mauvaise graine, que je trahis mon nom, qu’on ne fera jamais rien de moi. A l’école, on me dit que je promets, que j’irai loin, que j’ai de l’avenir. Je ne sais plus qui croire. Je suis pourtant le même chez moi et à l’école. Sage, honnête, je travaille, j’aide aussi ma maman à travailler. Il parait que ce n’est pas le rôle d’un homme d’aider sa mère. Même ma mère me le dit. Elle ne sait pas ce qu’elle a fait pour avoir un fils pareil. Les autres élèves disent que je fayote quand j’aide la maîtresse. La question que je me pose, c’est “qu’est-ce qu’ils attendent de moi, tous?” Quand je suis un filou à l’école, je me fais gronder et les enfants m’évitent. Quand je suis un filou à la maison, je me prends des taloches mais tout le monde est fier de moi. Quand je suis sage à l’école, on me félicite mais les enfants m’évitent. Quand je suis sage à la maison, je me prends des taloches et on me regarde comme un ver de terre. Alors quoi? Je ne sais pas ne rien être. Je dois être de la mauvaise graine, ça doit être vrai quelque part. Une graine mal née. Une graine de coquelicot germée au milieu des chardons. Une graine de coquelicot qui essaie de s’intégrer aux parterres de roses ou de tulipes. Quoi que je fasse, je serai repéré. On ne voit pas de parterres de coquelicots. Ce sont des fleurs qui poussent, ça et là, parmi les autres. Et qui ne font pas long feu.