C’est lui le monstre. Celui qui sort son arme et tire sans distinction sur la foule au nom d’un Dieu ou d’idées bien arrêtées sur la quantité règlementaire de mélanine à produire pour vivre dans son pays. C’est lui le monstre. Celui qui déterre des cadavres et détruit des monuments pour narguer les vivants. C’est lui le monstre. Celui qui se tripote devant des photos d’enfants aux grands yeux plein de sourires et d’innocence.
C’est un peu lui le monstre. Celui qui tabasse sa compagne, éduque son gosse à coups de barreaux de chaise ou abandonne son chien sur le bord de l’autoroute. C’est presque lui le monstre. Celui qui pousse à bout ses employés, en extirpe toute la vitalité en jouant au despote. Serait-ce aussi lui le monstre ? Celui qui délocalise alors qu’il est encore largement bénéficiaire, pour augmenter la marge de ses actionnaires et la sienne.
Mais ce n’est pas moi le monstre. Pas moi qui n’ai plus ni sourire ni regard pour ceux qui dorment à la belle étoile sur un bout de trottoir. Pas moi qui profite de la foule serrée pour toucher ce qu’habituellement je dois me contenter de zieuter. Pas moi non plus qui ai un soupir exaspéré ostensible devant la lenteur et les maladresses de l’employé qui débute, directement dans le grand bain au milieu des clients. Je ne suis qu’un homme parmi les autres, avec mes soucis et un humour un peu lourd. Je suis dans mon bon droit : je travaille, moi, pour gagner mon toit et mon pain. Je me détends comme je peux, et quand je fais chauffer ma carte bleue, je suis le roi, on me l’a répété depuis toujours. Si moi je suis un monstre, vous n’avez pas fini de vous indigner. Vous allez en voir beaucoup, des petits monstres comme moi.