La machine accomplit son œuvre, relativement silencieusement au regard de la désolation qu’elle sème. Les jeunes troncs se battent de toute leur sève pour échapper à la pince qui viendra les cueillir tel un enfant des marguerites. Mais le bois ne peut pas grand chose contre les dents de métal qui déjà le coupent de ses racines. Tout juste peut-il espérer que sa lignine tienne le coup. En vain, évidemment. Des arbres à peine cinquantenaires sont trimbalés par la machine comme je jetterais négligemment quelques fétus de paille. Bientôt, la terre sera creusée, bientôt de leurs racines il ne restera rien.
Tandis que j’assiste, impuissant, à ce combat perdu d’avance, un pourquoi indigné creuse et fore mon esprit, s’accroche au fil de mes pensées. Alors maintenant, c’est comme ça, je vais devoir m’habituer à ce qu’on coupe de jeunes arbres encore touffus, au simple prétexte qu’ils dérangent là où on les a plantés trente ans plus tôt. Après tout, on achève bien les malades, les dégarnis, contagieux ou croulants. Chauve ou encore vert, quelle différence pour un être incapable de se protéger, d’argumenter, de résister au nom de tous ceux qu’il abrite ?