Fils de Vénus

Vénus, femme de la nuit et de l’amour, déesse en cuir, attend un enfant. Elle s’en serait bien passé, mais il est trop tard, et puisqu’il va être là, autant l’attendre patiemment.

Tard dans la nuit, Vénus met au monde un fils, un petit homme qu’elle va devoir apprendre à aimer, à qui elle est bien décidée à inculquer le respect. Celui-ci sera l’exception à la règle. Un “toutes des salopes sauf ma mère” inversé. Tous des salauds sauf mon fils, en quelque sorte.

Le fils de Vénus, enfant choyé, entouré, privilégié, grandit dans un monde un tout petit peu trop grand pour lui, mais en bon enfant, il ne s’en aperçoit pas.

Tard dans sa vie, le fils de Vénus comprendra les raisons qui ont poussé les bonnes gens à prendre soin de lui contre son gré. La morale rationnelle et bien intentionnée de ceux-là même qui ont explosé son univers un tout petit peu trop grand pour lui pour le propulser dans un monde standard dont il dépasse de tous les bords, poignant Alice moderne au masculin.

Tolérance zéro

Pas de récidive en ce monde. À peine imaginée l’idée d’un forfait, la punition s’inflige toute seule. Arrêt de la pompe d’alimentation directement reliée au cerveau. Stoppée nette la distribution d’endorphine et de dopamine dans l’organisme. Évacuée aussitôt la pensée en cause, la pensée même de l’acte répréhensible.

Dès lors, pour commettre un réel forfait, il faut un effort de volonté presque surhumain, capable de surmonter le manque intolérable, le hurlement du corps qui réclame sa dose pour retrouver une sorte d’intégrité psychique. Dépasser la trahison de ses membres qui ne tendent qu’à obéir à la norme, ne pas sortir de la masse, retrouver l’état de base.

Immanquablement, la planification soignée d’une quelconque mauvaise action s’accompagne d’un suicide tant l’être ne peut supporter son sevrage. Sans même un jugement, sans même prononcer une sanction, il n’y a pas de récidive en ce monde.

La survie, c’est la loi

Bonjour à tous,

Je m’appelle Pierre et je suis évaluateur de programmes.

Si vous êtes ici aujourd’hui, c’est que vous avez échoué, vous avez raté votre examen. Seule une partie d’entre vous aura droit à un rattrapage. Les autres, vous connaissez l’issue : si vous avez provoqué votre échec, pas la peine de vous plaindre. Je lis ici que certains n’ont même pas tenu trois jours, c’est inadmissible, un échec cuisant, vous devriez avoir honte !

Pour ceux concernés, votre mémoire sera réinitialisée pour votre nouvelle épreuve. Seul votre inconscient profond gardera une trace de ce qui vous est arrivé avant. À priori, la situation sera inédite mais les embûches nombreuses. Les autres, vous pouvez suivre Lucifer, ici, il vous montrera le chemin. Monsieur, ça ne sert à rien de pleurer, vous avez mis fin à vos jour avant l’heure, vous assumez !

Alors, pour ceux qui y retournent, écoutez bien mon conseil : a-da-ptez-vous. À tout, vous m’entendez, à tout. Nouveaux comportements, nouveaux organes, nouvelles possibilités, je ne sais pas moi, un peu d’imagination, nom d’une pipe ! Votre place au sommet, vous la gagnerez en vous accrochant, c’est la loi. Peu importent les conditions, vous vous accrochez, vous ne renoncez jamais, vous inventez de nouvelles manières de passer outre ce qui vous arrive. N’oubliez pas : un abandon vous assure une éternité de non-être dans un endroit que je préfère ne pas nommer.

Enfin, je vous rappelle la condition sine qua none pour gagner votre sésame : vous devez engendrer une descendance avant de mourir. Plus elle est nombreuse, mieux vous êtes notés. C’est pourtant simple, non?

Bon, si vous êtes prêts et que vous n’avez pas de questions, vous pouvez y aller…

Objets sexuels

À côté du chantier, vous nous jetez un regard en biais, appréciateur. L’œil gourmand, vous nous évaluez, vous nous déshabillez du regard. Nous on sait bien ce qu’il en est, on nourrit vos fantasmes, on vous fait passer le temps, vous nous prendriez bien comme casse-croûte. On fait comme si de rien, on baisse un peu la tête ou bien on vous dit bonjour en souriant. Parfois quand même on se sent sales, un regard déplacé de trop, une remarque dite tout haut, des rires vraiment pas discrets. Alors on regarde ailleurs, on fait semblant de ne pas vous voir, on passe notre chemin. Ou bien on s’enhardit, on vous dévisage en retour, on tente une blague graveleuse. Pour se venger, parce qu’il n’y a pas de raison. Tout de même… S’il vous plaît, mesdames, à l’avenir, si vous le voulez bien, cessez de nous dévorer mentalement et laissez nous donc travailler !