La texture des mots

Lentement, passionnément, inlassablement je pose un mot après l’autre. Un mot pour décrire, un mot pour analyser, un mot pour exprimer ce qu’hurlent mes sens sans y mettre la forme, matière brute dont je dois me dépêtrer. Une chaîne de mots solidaires, unis pour mettre une distance entre le corps bouillonnant, sac de neurotransmetteurs faisant loi et moi.

Un mot pour me glisser jusqu’à vous, un mot pour vous chatouiller du bout de ma plume, un mot pour nous lier sans pour autant nous connaître, une chaîne de mots vagabonds, courant par monts et par vaux pour répandre mes élucubrations dans vos esprits qui ne demandaient rien.

Rencontres

Pour toi le séisme et sa déferlante. Pour moi les répliques et leurs tremblements après-coup qui font vibrer les tripes et les os. Et le bonheur d’être encore là pour les sentir, apprécier chaque instant après la vision flash d’un avenir sans toi.

Il y a des rencontres qui vous troublent, des rencontres qui vous bouleversent, des rencontres qui vous changent, des rencontres qui vous aiguillent vers d’autres possibles. Il y a la rencontre après laquelle situation initiale et finale s’emboîtent suite aux ajustements, aux questionnements, aux choix renouvelés. Certainement pas à cause d’une soi-disant facilité ou par un statu quo.

Il y a eu la notre, instants magiques en mémoire, instants passés qu’on relie chaque jour au présent. Il y a celles qui suivront, et peut être celles qu’on suivra parce qu’on ne sait jamais, la porte ne sera jamais fermée. Il y a toutes ces rencontres qui nous construisent, nous font avancer, nous rendent heureux, qu’on les vive ensemble ou pas. Et plus vivants que jamais, on sent jaillir l’unique en marge de la route qu’on suit à deux.

Jeux de main

Je ne te donnerai pas ma main. Que pourrais-tu donc bien faire de ma main?

Moi, je pourrais la glisser dans la tienne, petite patte menue réchauffée dans ta poche. Je la laisserai glisser sur ton corps, l’explorant, le caressant, le stimulant petit à petit.

Je ne te donnerai pas ma main. Pas de puzzle pour toi, tu auras tout ou rien du tout. Je ne t’offre qu’un corps entier, à toi d’en jouer comme tu le ferais d’un instrument pour créer d’exquises mélodies aux rythmes envoûtants. Pour toi j’accorde, j’harmonise, j’enveloppe nature en apparats et dispose le tout sous tes yeux amoureux. Les courbes que d’autres devinent, cachées sous le tissu, tu peux les dénuder, les regarder, les parcourir, les ajuster à ta guise. Tu peux faire vibrer la peau, virevolter les sens, m’entraîner dans ta danse, m’improviser, me déguster encore et encore et encore. Rien de nouveau cependant, je ne suis pas la première et sûrement pas la seule à vouloir m’offrir ainsi à toi. Mais un jour peut être, lorsque l’instant en douceur s’imposera, pour un temps ta Galatée, tu pourras remodeler mes contours, sculpter avec moi un nouvel être à venir.

Je garde donc ma main et te fais cadeau du reste, à toi de juger de la valeur de ce présent.

Des ravages du VIH sur les populations de vampires

Le VIH, comme vous le savez tous, est un virus qui se transmet principalement par le sang et le sperme. Certaines populations sont plus touchées que d’autres, que ce soit à cause de pratiques dangereuses (échanges de seringues) ou de par leurs conditions de vie (pas d’accès effectif aux préservatifs notamment). Cette étude s’attache à lever le voile sur une population particulièrement touchée par ce virus, à cause de son régime alimentaire.

Comme vous le savez, les vampires ont besoin de boire du sang pour avoir un certain niveau de forme physique. Bien sûr, le vampire ne meurt pas s’il ne trouve pas sa dose de sang, mais il s’affaiblit, hiberne en quelque sorte. Le problème, avec le VIH, c’est qu’un vampire a un risque accru d’être contaminé. Et de propager l’épidémie, par ses morsures. Ainsi, un vampire séropositif, lorsqu’il décide de mordre un humain pour le recruter, le contaminera par la même occasion. Et de cou en cou, la proportion de séropositifs augmente de manière exponentielle dans cette population dite “à risque”. Lorsque la maladie se déclare, cela se traduit par un affaiblissement considérable, une perte de poids, l’apparition de tout un tas de maladies qui d’habitude ne touchent pas les vampires et surtout par la perte de leur pouvoir de séduction sur les humains. Cela les empêche alors de pouvoir se nourrir simplement, les obligeant à chasser de manière très peu subtile et surtout très fatigante. Même si le vampire ne mourra pas du SIDA, il passera le reste de son éternité à ressembler à un zombie, ce qui, pour cette population qui se targue d’élégance, est presque pire que la mort.

Nous allons maintenant aborder le point de la prévention, qui est donc primordiale, car un vampire séropositif le restera pour l’éternité. Il est important de noter qu’il existe très peu de transmission du virus de vampire à vampire, la contamination se faisant principalement d’humain à vampire et de vampire à humain recruté. Néanmoins, il va être important dans un premier temps de dépister chaque vampire, afin de pouvoir adapter les comportements de chaque groupe de vampires. Les séropositifs pourront ne pas changer leurs habitudes, puisque le mal est fait, mais ils ne devront en aucun cas recruter de nouveaux vampires. Quant aux séronégatifs, ils vont devoir chambouler leurs coutumes, et commencer par arrêter de sucer le sang de proies vivantes pour se nourrir. Comme il est impossible de savoir de manière certaine que la personne ne sera pas infectée, le meilleur moyen de se préserver est l’abstinence. Les chercheurs travaillent en ce moment même à l’élaboration de dérivés sanguins pour rendre possible une alimentation saine répondant à tous les besoins des vampires. Nous préconisons donc à tous les vampires séronégatifs de se mettre en dormance en attendant de pouvoir à nouveau se sustenter sans risque.

En espérant que cette étude vous a été utile, nous restons à votre disposition pour tout renseignement à l’adresse indiquée en bas de la page.

Something unusual

Je me suis réveillé ce matin, et elle n’était plus là. Je ne m’en suis pas rendu compte de suite. Tellement habitué à sa présence, je ne la cherchais plus. Ça m’a sauté aux yeux en fin de matinée, elle était partie et m’avait finalement laissé seul. Alors j’ai fait le tour de cette absence, appréciant sa texture, sa consistance, son existence même. Une fois l’évidence admise, je ne voyais que le trou, la béance que je pouvais titiller à loisir, imaginant la vie qui m’attendait alors, sans elle. J’ai listé ce que je pourrai de nouveau faire, ce que je ne voulais pas faire avec elle et je souris. À force de temps et de patience, je t’ai enfin oubliée, ma tristesse est partie et sa place vide en mon cœur me rappelle tout le temps perdu à trop prendre soin d’elle.