Premier jour. Elle encaisse sans vraiment réaliser. Comprend les mots avec ses tripes, n’arrive pas à en dégager du sens. À partir d’une semaine, les mots font leur chemin, minant quelques bases, creusant de profonds sillons sur leur passage. Comme une crue inattendue, ils balaient les certitudes, charrient les doutes et annoncent l’heure des remises en question. Puis, progressivement, les choses s’apaisent, se réorganisent. L’être humain n’est pas fait pour être en tension permanente.
Jour après jour, semaine après semaine, elle a recouvert les mots, les a cachés dans un coin de son esprit. Elle sait qu’ils sont là, elle a conscience que les choses ont changé. Mais ne peut tout simplement pas se les répéter inlassablement. Tant bien que mal, elle patiente. Cherche quelques signes, sans s’attarder, sans sur-interpréter. Elle guette quand même, c’est plus fort qu’elle. Des bouts d’espoir apparaissent, presque malgré elle.
Mais parfois, au détour d’un sentier, quand l’attention se relâche quelque peu, brusquement les mots ressurgissent, sortent de leur cachette et reviennent la titiller. Ils rameutent en force tous les si qui passent dans les environs. Si, au lieu de s’éloigner sur la pointe des pieds, les mots creusaient leur nid et souhaitaient s’installer ? Si chaque jour passé pouvait les rendre plus forts, plus présents, plus consistants ? Et si les réveils câlins, les rires, la vie en commun, la confiance inébranlable perdaient leur sens ? Si un jour, ça ne suffisait plus ?
Pour ne plus paniquer, elle attend, patiemment, que d’autres mots, tous doux, passionnés, murmurés mais sincères, se glissent dans son ciel et viennent chasser ses nuages.