Je n’ai pas peur de mourir déchiquetée, éparpillée sur les pavés de la République ou ensevelie dans un couloir de métro. Pas peur que ma vie se suspende au fil d’un téléphone m’annonçant qu’une balle s’est perdue dans le cœur de mon amoureux au retour du travail. Ni que mon frère, dans son bar parisien, ne craigne pour sa vie au point de trembler à chaque demi servi, n’en perde sa verve ou n’en oublie les recettes de ses cocktails.
Je ne crains pas les terroristes plus que je n’ai peur d’un crabe importun qui choisirait mon sein comme garde-manger, d’un AVC qui volerait à jamais le rire ou l’esprit de mon compagnon ou d’un chauffard qui cueillerait dans un rond-point mon frangin sur son scooter.
Je n’ai pas peur de l’horreur brute, explosive, spectaculaire. Elle en fait trop, ça ne prend pas.
Mais je pleure devant les barrages qui cèdent les uns après les autres sous la déferlante émotionnelle. Je pleure devant la haine qui prend ses aises au bistrot, dans l’hémicycle ou à la télé et tabasse encore une fois cet Autre qui ne pourra jamais assez montrer patte blanche.
J’ai peur des barbelés qui égratignent et aveuglent l’humanité. Peur que les bougies tremblotantes au pied des monuments ne s’éteignent sous le vent des Rafales ou n’embrasent la bêtise crasse en un bûcher bien vite érigé. Je crains que certains, pieds et poings déliés par l’urgence, n’en profitent pour revenir à des pages de notre Histoire que nous avions tournées sans les effacer. J’ai peur que ce nouveau baobab médiatique n’occulte la horde de soucis grondants qui, livrés à eux-mêmes, finiront par engloutir nos forêts.
Et contre ces peurs, je me sens terriblement petite, goutte d’eau parmi des millions à contre-courant.