Plus tard quand on sera grands

Je regarde par la fenêtre la pluie tomber dans la cour. Les enfants profitent de cette averse bienvenue au milieu du mois d’août et courent sous l’ondée. J’entends leurs jeux d’ici, comme si j’y étais. Un chat glacé, cette fois-ci. Je ne suis pas sûr qu’ils saisissent l’ironie, mais ça me fait sourire d’y avoir pensé. Des grands arrivent avec une vipère, pour faire peur aux petits et rire leurs copains. Celle-ci finira sûrement sous une pierre ou une pelle, à cause de la pluie ils ne pourront pas la brûler, comme la dernière.
J’observe encore un peu leurs jeux innocents puis retourne à mon bureau recopier mes lignes, encore et encore, jusqu’à me faire mal au poignet. De l’endroit où je suis installé, j’entends leurs rires, leurs cris comme si j’y étais. Mais je n’y suis pas. Je n’ai plus le droit d’y être, et de toute façon, ils ne veulent pas de moi. Ou bien je ne veux pas d’eux. Je ne sais plus.
Il parait que je suis trop grand, et de toute manière, depuis la dernière fois, je suis puni. Je me contente d’écouter ce qui se passe, de contempler à la dérobée les gamins qui sont de plus en plus jeunes au fur et à mesure que le temps passe. De temps en temps, j’entends leurs rêves, leurs histoires extraordinaires, ce qu’ils feront dans leur vie d’adulte, leur vie de grand.
Alors je me rappelle les miens. Je voulais être gangster, chirurgien, et puis, en grandissant, coiffeur, électricien…
Et maintenant…
Le verrou de ma chambre s’ouvre, je vais m’assoir sur mon lit, comme on me l’a appris. Le plateau repas arrive, j’attends que la porte se referme, et je vais manger.
Alors moi, quand je serai petit, je serai juste un enfant.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *